La vraie pornographie, on le sait, n’est pas toujours estampillée X. Techno-beauf ou carrément franchouillarde, l’horreur sexuelle se décline au quotidien en 4×3 sur les grands boulevards parisiens. Après avoir « mis le paquet » (une bite, deux couilles, le tout dans un slip grand public), Bigard « bourre Bercy » (le même visuel, l’érection demi-molle en sus). Le versant gentillet de cette prostitution à grands coups de teenagers pédo-stimulantes et de caleçons bien remplis, s’étale au grand jour. Les nuits, elles, sont réservées à l’érotisme cheap d’après messe pour les plus fauchés (Culture pub en appetizer) et à la perfection trop lisse des productions Marc Dorcel, pour les plus câblés.

Pour fourbir l’obsédé sexuel qui sommeille en nous, une industrie presque souterraine, celle du film X. Raffaela Anderson, actrice dans le Baise-moi de Virginie Despentes, a commencé dans ces petites productions pas si désirantes, se faisant un nom au hasard des tournages. On l’aura vite compris, ce début sur les écrans étriqués des cabines de projections vidéos et autres soirées magnéto/sopalin, ne sont pour l’auteur de ce livre que les premières marches d’une carrière qu’elle espérerait plus grand public. Dans Hard, elle offre au lecteur un brin voyeuriste une contre-plongée dans ce monde qu’on espère intrigant. Manque de chance, ce témoignage empreint d’une certaine naïveté, ne fait que reformuler, dans des phrases réduites à leur plus simple expression, l’organisation semi-occulte d’un business cinématographique assez classique. Et s’égrènent au long des pages une série de situations trop cliché pour ne pas être réelles : producteur véreux, acteurs priapiques, starlettes prêtes à tout, coke-party hebdomadaires, motels souillés et amitiés angéliques. Pour parfaire le tableau narratif, rajoutez un viol collectif, quelques débandades en guise d’humiliation, du fast-sex option lesbienne et une scène un peu plus « hard », avec à la clé un quadruple fist-fucking (apparemment beaucoup pour un seul anus) et une perte de virginité en live devant la caméra.

Hard n’est que le récit d’une vie trop banale dans sa déchéance. Le sensationnel y est mesquin ou naïf (« Dolly Golden ne met pas de capotes », « Tania Russof est gentille », « Je mange un Quick à République »), servi par une narration proche du degré zéro de l’écriture. Et l’autobiographie tourne vite à une mise à jour, version industrie du X, du fameux « Moi, Christine, 13 ans, prostituée, violée, etc. ». Un récit intime qui galvaude les brisures d’une vie et prostitue une souffrance qu’on imagine immense.