Difficile de définir à quel genre appartient cet ouvrage…. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il s’apparente à l’autobiographie, au reportage, au récit et à l’essai. John G. Morris raconte sa carrière de directeur de la photo dans les plus grands magazines de reportages comme Life, le Washington Post, le New-York Times ou encore le National Geographic. Etre directeur de la photo peut très vite consister à sélectionner des images en ne s’attachant qu’à la place qu’elles occuperont sur une page, à son effet ou à son tarif, sans voir dans ces « instantanés » de l’Histoire, un message, une idée fondamentale. John Morris retrace la grande et ahurissante aventure qu’il a partagée avec des géants de la photo, tels Robert Capa, Werner Bischof, ou encore Henri Cartier-Bresson, lorsqu’ils ont décidé de fonder l’agence Magnum. Une poignée d’idéalistes, d’accrocheurs, de passionnés qui ne voulaient pas renoncer, mais au contraire entendaient se battre pour que la photo soit reconnue comme telle. John Morris nous livre 115 photographies en noir et blanc, tout droit sorties des archives de Magnum, des magazines et des collections privées. On retrouve ou on découvre des images uniques : le débarquement à Omaha Beach sous l’angle des troupes, ou ce soldat abattu sous l’objectif de Robert Capa pendant la guerre civile espagnole, une mère et son bébé irradiés par la bombe atomique sur Nagasaki, ou encore un paysan vietnamien pendu par les poignets et interrogé par un membre de la police secrète du Sud Viêt-nam.

« Ce livre parle des professionnels de l’image, mais il nous concerne tous, nous qui consommons des images. » John Morris prend le temps de nous retracer les événements marquants du siècle. Il s’agit non seulement d’une lecture transversale, passionnante, des cinquante dernières années (le livre s’achève au lendemain de la guerre du Golfe), mais aussi d’une explication lumineuse sur la lutte de pouvoirs, à armes souvent inégales, au sein des rédactions, et au-delà, entre la presse et les politiques. On apprend comment l’information a été traitée selon les époques ; les audaces comme les « demi-mensonges ». Il nous confie également quelques-uns de ses moments privilégiés, ses quelques rencontres que l’on rêverait de faire, avec Ernest Hemingway, Marlene Dietrich… C’est aussi une réflexion sur la censure, sur la manipulation consciente et inconsciente de l’image, sur ses dangers, mais aussi sur son pouvoir de dénonciation. John Morris cite Steinbeck : « C’est dans les choses qu’on ne mentionne pas que se cache le mensonge ». La citation vient clore ce récit, et Morris ajoute : « Le mensonge se dissimule dans ce que l’on ne photographie pas ». Cet hommage au reporter de guerre vient à point… sans angélisme, avec humour et générosité.