Le fils de la célèbre décoratrice Andrée Putman publie son premier livre, une autobiographie du type « confession d’un ex-junkie ». Il y fait se succéder son adolescence au coeur du mouvement punk, les affres de la came, son service militaire et ses désertions, sa cure, sa rechute et sa résurrection sous l’égide de l’art contemporain. Elevé dans une ambiance libertaire et friquée, gauche caviar et « proto-bobo » pourrait-on dire, le jeune Cyrille arrête très tôt l’école avec la bénédiction de son père ; il est initié à l’héroïne par des amis de ses parents à l’âge de quinze ans et vit une crise d’adolescence carabinée en s’engouffrant dans le mouvement punk en pleine naissance, suivant de près la brusque apogée et le rapide déclin de ce météore d’autodestruction grandguignolesque à la chute trash et flambloyante. Putman part en effet outre-Manche pour se confronter à de vrais prolos cinglés (mais en compagnie du punk critic de Libé, tout de même) et y croise Malcolm McLaren, Vivienne Westwood et Sid Vicious. « Je suis un pur produit punk, première pression à froid », dit-il. Si les 50 premières pages du livre ont au moins l’intérêt de rapporter les fascinantes bribes vécues du « no future » de la fin des 70’s, la suite, centrée sur l’expérience de la drogue et de l’addiction, devient vite ennuyeuse, d’autant que le style relâché, qui n’est supportable que par adéquation avec les riffs des Sex Pistols dans l’atmosphère punk des débuts, devient indécent dès lors qu’il est extrait de ce contexte volontairement sauvage et primaire.

L’absence de composition réelle, de mise en perspective et d’épaisseur réduit rapidement le livre à une sorte de long déballage retranscrit après une séance des alcooliques anonymes. De plus, même s’il est difficile de juger un document humain (et d’époque) suivant des critères purement littéraires, celui-ci regorge de jeux de mots navrants (« Mieux vaut être blanc et droit que black et pas d’équerre »), d’anglicismes gratuits à tout bout de champ, de tics verbaux adolescents (« hyperdirectif », « hypermal », « hyper super ») et de philosophie de comptoir : « Le monde moderne véhicule des angoisses en tous genres, tout est archistressant, le métro, le boulot, le dodo… ». Sans compter des lieux communs parfaitement hallucinants : « Voter , il y a des gens qui ont donné leur vie pour obtenir ce droit fondamental ». On peut excuser beaucoup de maladresses et d’infantilisme au jeune punk junkie qui ne prétend à rien d’autre qu’à s’effondrer dans un pogo après avoir opéré un destroy ; on est forcément plus sévère avec le quadragénaire agent d’artistes qui, après des années d’errance, pose au moraliste fadasse revenu du trou noir. Aujourd’hui, passant devant les punks attardés de Beaubourg, « pauvres caricatures plus ratées que celles des dessinateurs qui croquent le touriste au fusain », il a achevé sa mutation. Retour à l’origine, donc : voici un bobo définitif, qui nous prouve qu’on peut traiter d’art contemporain en ayant comme propos sur l’existence des slogans pour lycéens engagés.