Jean-Baptiste Poquelin (Molière), François-Marie Arouet (Voltaire), Gérard Labrunie (Gérard de Nerval), Louis Ferdinand Destouches (Céline), Louis Poirier (Julien Gracq), Philippe Joyaux (Sollers), Louis Viaud (Pierre Loti)… Combien sont-ils, les écrivains qui ont changé de nom pour entrer en littérature ? En se donnant un nom on s’invente soi-même, on rompt avec une généalogie, on se crée une noblesse mythique (les romantiques qui se donnent des particules au XIXe siècle), on se cache d’un persécuteur ou de la police, on se transforme en personnage de fiction, en autorisant « mille postures de masquage ou de démasquage »…

 

Problématique classique que Claude Burgelin reprend dans ce livre avec l’hypothèse suivante : chez certains écrivains, la pseudonymie est le signe d’une gêne avec leur nom réel, d’un embarras (d’où ce terme de « mal nommés ») ; mais en même temps, « ce ressentiment, cette inquiétude autour de ce nom ont été pour certains un des ressorts de leur écriture, un des fils qui en soutiennent la trame ». D’où une succession d’essais dans lesquels l’auteur propose des relectures serrées d’une série d’écrivains sur qui il teste son idée, notamment Marguerite Duras (Donnadieu), Henri Calet (Raymond Barthelmess), Georges Perec (avec ses réflexions récurrentes sur l’origine de son nom) ou Michel Leiris (qui ne fut pas « mal nommé » au sens propre mais dont la problématique familiale le raccroche à la question).

 

Chacun ira par priorité vers l’analyse de ses auteurs favoris pour constater l’éclairage que donne Burgelin sur son œuvre. A moins qu’on ne s’en serve, tout simplement, comme une sorte d’introduction latérale et originale pour découvrir les écrivains commentés.