Raciste, impérialiste et belliciste à outrance, obsédé par l’esprit de revanche après la défaite de Sedan et persuadé que la restauration de la puissance française passerait par la préséance de l’armée sur le parlement, Emile Auguste Cyprien Driant (1855-1916) épousa tout naturellement les idées du général Boulanger, puis sa fille ; quand on aime, on ne compte pas.

On le surnomma l' »Utopiste de la guerre ». Saint-Cyrien, officier d’infanterie depuis 1877, il finit colonel, mort au champ d’honneur sous les balles allemandes, au Bois des Caures, à Verdun ; il accompagna aussi un temps son cher beau-père dans ses ambitions politiques (il fut élu député de Nancy en 1910), mais c’est surtout en tant que romancier pour la jeunesse qu’il trouva le mieux à exprimer ses convictions. Sous le pseudonyme de « Capitaine Danrit », Driant fut en effet, avec Paul d’Ivoi et Louis Boussenard, l’un des piliers du mythique Journal des voyages, dans lequel s’enchaînaient récits de voyages exotiques plus ou moins vécus et feuilletons d’anticipation échevelés dans la tradition de Verne et Wells.

Chantre du roman d’aventures coloniales, le capitaine est resté célèbre pour ses nombreuses politiques-fictions opposant vaillants militaires français et ennemis de la patrie, d’où qu’ils viennent : l’Allemand, bien sûr (La Guerre de demain), mais aussi les sauvages peuplades issues du tiers-monde, réfractaires à toutes idées de progrès et de civilisation, que des mœurs galopantes convertissent en autant de menaçants  » périls « , noir (L’Invasion noire) ou jaune (L’Invasion jaune)… Mais ceux que Danrit exècre par dessus tout (sans compter les Juifs : Capitaine Danrit versus Capitaine Dreyfus !), ce sont les Anglais (La Guerre fatale). Ceux-là ne reculent devant aucune bassesse : « Le gouvernement britannique a commis une déloyauté sans exemple dans l’histoire : il la couronne d’un assassinat », celui du plus illustre des captifs, l’auguste prisonnier de Sainte-Hélène. Car Danrit est également l’auteur de cette belle uchronie napoléonienne, Evasion d’empereur, en 1903 (avant l’Entente Cordiale, donc), dans laquelle des fidèles Corses dévoués à la cause organisent sa fuite de l’île… à bord d’un submersible ! Bien sur, Jules Verne n’est jamais très loin. Le sous-marin en question est construit d’après les plans laissés par Robert Fulton, l’inventeur du « Nautilus », le premier sous-marin du genre (en 1798), auquel l’auteur de Vingt mille lieues sous les mers devait emprunter son nom pour baptiser le vaisseau du capitaine Némo.