Nouvelle galette mégalo-promo ? Yves Saint-Laurent, pensez donc, celui que l’on surnommait à 20 ans déjà « le petit prince de la Couture » ! Pour ne pas faillir à sa réputation d’homme de bon goût, on a mis ici le paquet sur le design et l’épate techno. Résultat : une production classieuse jusque dans la trame sonore.
Passé l’esbroufe, reste le fond. Que celui qui s’intéresse au bonhomme ou plus généralement au milieu de la mode se jette là-dessus. Au delà du personnage, c’est tout un univers que l’on évoque et que l’on met en scène. Le sien bien sûr, à commencer par son enfance à Oran, mais surtout par le Théâtre et notamment le déclic du 6 mai 1950 : YSL assiste à 14 ans à une représentation de L’Ecole des Femmes de Molière. C’est la révélation rouge et or qu’il doit à Louis Jouvet et Christian Bérard. Les deux hommes nourrissent l’imaginaire d’YSL, comme Cocteau, Roland Petit et Zizi Jeanmaire (« Mon truc en plume »). On s’attarde ensuite sur les grands coups, coups de cœur ou provoc’ du couturier : de Belle de Jour de Buñuel (1966) où Deneuve exhibe le meilleur de la collection Saint-Laurent, d’une photo d’YSL nu dans Vogue pour le lancement de son premier parfum pour homme (1971), de Helmut Newton, femme maîtresse (« plus intéressantes sont les jambes à découvrir que les jambes à découvert » – 1981), jusqu’au tétanisant défilé du 12 juillet dernier au Stade de France, juste avant la finale du siècle, France-Brésil (300 mannequins, 80 000 spectateurs, 1,7 milliards de téléspectateurs).
C’est dans le Musée virtuel que l’on entre dans le vif du sujet pour explorer les 40 ans de création : les collections clés de 58 à aujourd’hui (croquis des modèles, photos et vidéos à l’appui), les fameux Now Look -le smoking, le jumpsuit, le jersey, le trench…- et une dernière classification des modèles par thèmes -l’art, les transparences, les broderies…
Ce CD-Rom est idéal aussi pour découvrir l’envers du décor, soit toutes les étapes de la création d’une collection. Entre la remise du croquis et le défilé, deux bons mois s’écoulent dans le studio et les ateliers -ici, les ateliers de la Maison de la Couture du 5 avenue Marceau vous sont grand ouverts !
Avant de conclure sur un autoportrait (le questionnaire de Proust) et les témoignages des proches (Deneuve, Duras, Paloma Picasso, Pierre Bergé, Jean-Paul Gaultier…), retour aux influences dans le chapitre « Voyages imaginaires » : la palette d’YSL (« Yves Saint-Laurent a fait du noir une couleur » disait Edmonde Charles-Roux) et les pays qui ont inspiré sa création : l’Espagne, la Russie, l’Afrique, l’Orient, comme Paris et New York bien entendu.
Reprochons tout de même aux concepteurs d’avoir systématiquement privilégié l’esthétique, quitte à délaisser parfois la navigation. Bel hommage à un vivant quand même.