Rappelez-vous simplement il y a dix ans, lorsque le gotha du rock lyrique se pressait autour de ce vieux crooner de Roy Orbison pour lui rendre un dernier hommage avant que celui-ci ne rende l’âme. L’album de la dernière chance cassait contre toute attente la baraque et le défunt et toujours malchanceux Roy de son vivant enchaînait tube sur tube. Du Jimmy Rogers All-Stars, vous ne retiendrez sans doute que les stars. En effet, rien de moins que Clapton, Jagger & Richards, Page et Plant, Taj Mahal ou encore Stephen Stills et Jeff Healey. Tout ce que le monde du blues blanc des années 60 à aujourd’hui connaît, sans doute grâce à cet inconnu de Jimmy Rogers, répondait présent il y a deux ans pour ces sessions hommage à l’un des piliers du Chicago Blues des 50’s (autrement dit boom bluesy). Jamais (ou très peu) cité dans les dictionnaires et encyclopédies du rock, Jimmy Rogers était quand même le créateur de Sweet home Chicago ou autres That’s all right. Il fut l’un des trois du Chicago Blues Band de Muddy Waters et Little Walter avec qui il jouait déjà dans les années trente. Né en 1924 et mort dans un quasi anonymat et la plus totale indifférence en décembre 97, Jimmy Rogers n’aurait sans doute jamais pu entendre ces bandes de l’au-delà sans les efforts de quelques-uns de ses amis dont le producteur John Koenig et l’incontournable Ahmet Ertegun, l’un des premiers à avoir produit et avoir fait programmer du blues électrique à la radio avec le DJ Alan Freed early fifties.

Enfin publié, cet album devrait connaître un succès inespéré comme celui du grand Roy il y a dix ans, tellement le plaisir de jouer entouré de ses plus grands admirateurs libère si tant est qu’il en avait besoin la souplesse de jeu du guitariste légendaire et sa voix de vieux noir étincelant. Sur des standards de sa main ou ceux de Jimmy Reed, Memphis Slim, Sonny Boy Williamson ou John Lee Hooker, Rogers et ses amis font des exploits. Mick Jagger chante comme l’enfant qu’il était il y a trente ans à ses débuts sur Trouble me more ou Don’t start me to talkin’ (et non, ce n’était pas un titre original des New York Dolls !). Slow Hand alias Clapton se la coule douce derrière le Maître Rogers et même Stephen Stills se réveille de sa longue léthargie pour un Worried life blues de légende aux côtés des authentiques Johnnie Johnson (piano) et Kim Wilson (harmonica), qui se partagent la liste des sidemen avec d’autres grands tels Carey Bell (harmonica) ou Jimmy D. Lane à la guitare. Si vous ne deviez avoir qu’un disque de blues, avec un tel titre, ce serait celui-là.