Commencer un FPS en regardant, en guise d’intro, un journal TV, pas très éloigné de ce que CNN disait de la situation de la France pendant les émeutes de l’automne dernier : les premières minutes d’Urban chaos plongent le joueur dans une ambiance « qui ne se laisse pas rattraper par la mélancolie ». Vous êtes Nick Mason, de l’unité T-0 (pour Tolérance Zéro, il va sans dire), dernier rempart de la civilisation burnée pour contrer les Burners, un gang de jeunes qui manie aussi bien les armes que les subtilités de la langue française (« Va te faire enculer Mason ! » ou encore « Quand j’en aurais fini avec toi, j’irais finir ta mère ! »). Bref, la ville est à feu et à sang mais « ne vous inquiétez pas madame, on va vous en débarrasser, de cette racaille ! ».

Au premier abord, c’est un drôle de malaise que l’on traîne dans le couloir du commissariat-tutorial. La faute au bouclier en plexiglas, sans doute. Le bouclier en plexi du CRS qu’on a si souvent vu écraser la gueule des infirmières, des enseignants et des jeunes. Miracle du jeu vidéo : un symbole oppressif devient une possibilité de gameplay. Même sentiment à l’utilisation du pistolet paralysant (pistolet d’impuissant !). Bien entendu, tout joueur a déjà revêtu la tenue de simple flic. Mais même dans le plus pénible shoot à la troisième personne, on a toujours fini par débloquer un flingue qui anoblie les échanges de tir et stylise la violence du geste. Quelque chose qui transcende la fonction de gardien de la paix pour emmener le joueur vers quelque chose qui lui appartient proprement. La joie sauvage de la grenade qui fait mouche entre les jambes de trois assaillants. Le petit élan du coeur accompagnant le coup de fusil à pompe en pleine face.

Sans s’excuser de son contexte ambigu et un poil fascisant, Urban chaos impose d’emblée ses originalités de gameplay sans se départir d’un pragmatisme martial. Etrangement, c’est ce qui le sauve. Très vite, le bouclier devient indispensable face aux torrents de munitions que tirent vos agresseurs. Des missions dans la mission apportent un peu de variété dans un gameplay simple et intuitif. Tellement intuitif que, d’une certaine manière, Urban chaos a quelque chose qui n’a plus grand chose à voir avec le FPS. Ici, un gunfight foufou à dos de rame de métro ; là, une récréation de tir en hélico à la Gatling qui se termine en clin d’oeil à Resident evil 4. Ou là, des prises d’otage à la Time crisis portées par des ralentis exagérés. Et à chaque mission, une mise en situation spectaculaire et hard-boiled. Le bon goût de Rocksteady, c’est de s’inspirer du rythme des meilleures productions japonaises du jeu action / aventure (quitte à produire un jeu finalement assez court), de faire du FPS à la sauce console et de ne jamais gadgetiser l’arsenal qu’il propose au joueur. Quelque part, Urban chaos, c’est l’anti-Half life 2. Malgré les immenses qualités du titre de Valve, difficile de ne pas voir en lui un vulgaire étalage de savoir faire technique, ni de ne pas être irrité par son côté film à sketchs : une mission, un (beau) décor, un gameplay. Dans Urban chaos, la narration, le contexte passent vite au second plan pour privilégier l’ambiance produite par les assauts des burners (une astuce de game-design toute bête : les agresseurs hurlent une insulte entre chaque coup de fusil ou de surin, renforçant, rien que par le son, l’impression de surnombre) et la nécessité de s’en protéger en jonglant entre le bouclier, les différentes armes à feu et le pistolet paralysant (indispensable pour pouvoir faire des prisonniers). Urban chaos se démarque donc par son ambition de distraire « à l’ancienne » presque sans enjeu.

En cela, loin des Half life 2 et autres FarCry en terme de réalisation et d’immersion, Urban chaos réussit tout de même là où Black et ses ennemis blindés comme des chars Panzer avaient tristement échoué : donner un coup de matraque bien placé au FPS console, cet éternel étudiant qui n’en finit pas d’envier la situation sociale de son père, le FPS PC.