Pour une fois on commencera par la fin : générique, credits, listing des programmeurs, debuggers et beta-testeurs, merci d’avoir joué, etc., etc. A l’écran, des centaines de soucoupes roses-bonbon singent les ovnis fifties du Mars attacks ! de Tim Burton. En fond sonore, Little green bag, chanson mondialement célèbre pour avoir accompagné une scène culte de Reservoir dogs au cours de laquelle les héros du film se la pètent sans complexe en costard-cravate noir. L’expression la plus aboutie de la coolitude, précédant un déferlement ininterrompu d’hémoglobine, cette séquence est une introduction parfaite à ce monument de panique pop qu’est Reservoir dogs. Ca tombe bien, comme le laisse entendre son titre original, Meiwaku seijin panic maker (un « grand moment de panique pop »), c’est exactement ce qu’Under the skin voudrait être.

Le lecteur éveillé aura sans doute deviné que l’emploi du conditionnel dans la phrase précédente sous-entend qu’Under the skin ne parvient pas à atteindre son but. C’est vrai. Description du générique de fin, conclusion de l’article éventée, cet article est un immense spoiler. Mais revenons au début du jeu. Durée approximative du trajet : trois heures. Cosmi, jeune alien spermatozoïdal, est envoyé sur Terre à l’occasion d’un périple initiatique avec pour mission de foutre littéralement un bordel monstre sur notre planète qui n’est pourtant pas spécialement en manque de désordre. Ca peut paraître étrange, mais les voies du cursus scolaire extra-terrestre sont souvent impénétrables. En bon loser, Cosmi n’a pas vraiment de chance : il n’y a pas pire endroit dans toute la galaxie pour parfaire son éducation. Pourquoi ? Probablement parce que les terriens sont des sales cons, ça n’est plus vraiment un scoop pour personne. Ils n’apprécient que modérément la visite d’un étranger fouteur-de-dawa même s’il est aussi funky que notre héros. Heureusement, Cosmi a un « truc » pour passer inaperçu. Il peut, à tout moment, subtiliser l’enveloppe corporelle d’un indigène et récupérer par la même occasion tout un arsenal d’armes de destructions massives plus ou moins loufoques. Une fois parfaitement camouflé, Cosmi n’a plus qu’à se noyer dans la foule et lâcher toutes ses munitions, des inoffensives punaises aux hordes de T-Rex déchaînés. Plus les humains sont effrayés, plus ils perdent de l’argent. Cosmi doit en récupérer le plus possible dans une période de temps limitée. Eh oui, non seulement l’alien est fourbe, mais en plus il est vénal.

On voit parfaitement où Capcom veut en venir. Avec un premier niveau qui ressemble comme deux gouttes d’eau au Shibuya futuriste de Jet set radio, avec un cel-shading hypeux, des couleurs criardes et un concept punk-kawaii, l’éditeur essaye de nous avoir par les sentiments parce qu’il sait qu’on a adoré Viewtiful Joe. C’est vrai, le cel-shading délirant, c’est notre péché mignon. Seulement comment Capcom a-t-il pu penser un seul instant qu’il pouvait être aussi feignant tout en nous hypnotisant avec de la poudre aux yeux branchouille ? Trop facile.

Au bout de huit niveaux rachitiques, le constat est amer : la petite entreprise terroriste de Capcom est en crise, incapable d’aligner la folie de son design sur un gameplay en panne d’idées. Une des raisons principales de cet échec tient au fait que Cosmi ne peut pas sauter. En découle un level-design forcément plat comme la Belgique, inodore, et un dispositif qui peine à se renouveler. Quelquefois, un événement « panic time » vient troubler la randonnée mortelle en charentaises, attaque de pirates, de faucheuses enragées, pluies de météorites… Mais ça ne change pas vraiment la donne. Ma petite apocalypse est bien terne et bien triste. Ne reste que la solitude d’un alien transfuge de Space Channel 5 perdu au beau milieu de beaufs sous tranxène. Comme le dit justement la chanson, Little green bag, hymne honteusement dévoyé d’un misérable jeu-wannabe : « Lookin’ for some happiness but there is only loneliness to find ».