Il fallait bien que quelqu’un finisse par comprendre comment imiter Blizzard, et que le grand recycleur soit à son tour habilement recyclé. Ce n’est peut-être pas un hasard si les développeurs de Runic games sont des anciens de la maison, et pas des moindres, puisque Erich et Max Schaefer sont les pères de Diablo. Ils sont accompagnés par la guitare du fameux Max Uelmen, et par la star montante de l’action-RPG, Travis Baldree, créateur du très convaincant Fate. Du beau monde, donc, mais qui s’était embarqué bien maladroitement dans la désastreuse aventure de Flagship studios, sans réellement participer au peu convaincant Hellgate : London mais avortant Mythos, deux variations inabouties sur le modèle diabolique du hack’n’slash. Torchlight est la dernière lueur d’espoir pour ces égarés du development hell. En un an, avec des moyens limités, ils avaient à montrer ce dont ils étaient capables, avec un jeu strictement solo, afin de survivre et de lever des fonds pour développer un mode multi-joueurs. Dans ce contexte, on comprend mieux la nécessité de recourir à la recette du succès à la Blizzard.

Torchlight, c’est d’abord un coulis coloré, une fantasy de dessin animé, sucrée à la World of Warcraft. A y regarder vite, on croirait même certains niveaux, comme les catacombes, tout droits sortis de la vidéo de présentation de Diablo III. C’est de bonne guerre, et l’on imagine mal une compagnie qui a bâti son succès sur une libre interprétation des licences Games Workshop (de Warhammer à Warcraft, de 40 K à Starcraft…) se formaliser pour si peu. D’ailleurs cette charte graphique a l’avantage de cumuler le plaisir des yeux, grâce à des effets pétaradants, et la légèreté technique : en enlevant tous les détails, Torchlight tournerait même sur un notebook. Ne pas oublier son public, qui ne dispose pas nécessairement du PC dernier cri, la leçon est retenue.

Torchlight, quand on regarde sous la garniture, c’est du loot, du loot, du loot : notre aventurier collectera des monceaux d’armes magiques et d’armures toutes plus bling-bling les unes que les autres, ce qui nous permettra de le tuner à volonté. Runic conserve la simplicité diabolique de son modèle, et satisfait tant notre vilain matérialisme que notre esprit joueur. S’il n’y a que trois classes, un système de talents (inspiré de qui vous savez) permet de varier les saveurs, et, associé à l’équipement idoine, de se construire des personnages sur mesure. Les développeurs ont choisi de rendre le jeu facile à modifier, et il est fort possible qu’une armée de modeurs enrichisse le contenu. Le jeu en vaut la chandelle. Car s’il s’agit de cuisine bourgeoise plus que de grande gastronomie, le produit est plutôt goûteux.

Là où Torchlight se distingue d’autres prétendants au titre de meilleur clone de Diablo affadissant par contraste des concurrents comme Sacred ou Titan quest, c’est dans la présentation et l’intensité des combats. Les donjons générés aléatoirement sont sans doute répétitifs, les boss manquent un peu de personnalité, mais les frères Schaefer gardent un sens du rythme et de la surprise épicée qui entraînent le joueur à l’excès. On se retrouve à cliqueter furieusement alors qu’on devrait être au lit depuis deux heures. Cela tient peut-être à la manière dont les vagues de monstres foncent sur nous avant d’être méticuleusement broyées (quand bien même on jouerait en hard, ce qui est un minimum), aux explosions proprement jouissives qui accompagnent le moindre coup critique, aux avalanches de beignes qui font voler les pauvres zombies et les pathétiques gobelins à l’autre bout de l’écran : ça pète de partout, c’est remuant de vie.

Evidemment, Torchlight n’est un jeu Blizzard, et on sent la différence dans le temps de cuisson : pour les fauchés de Runic Games, impossible d’imiter le rythme de développement géologique du studio roi qui permet de laisser mariner un projet tant qu’il n’est pas parfaitement à point. Manque ainsi l’absolu poli, le degré de finition presque exubérant et l’attention maladive au détail, fruits d’innombrables itérations perfectionnistes. Pour tout dire, Torchlight est parfois superficiel, techniquement perfectible : en l’état, il tient plus de l’agréable distraction que de l’incontournable. On ne se fait pas trop de soucis pour Diablo III, mais en attendant, Torchlight a le mérite d’être disponible, à prix budget qui plus est, et constitue un bon moyen de garder la flamme.