Levons d’abord un malentendu : sauf peut-être pour l’automobile, la simulation sportive n’existe pas. Certains développeurs n’ont pas compris, alors que d’autres l’ont parfaitement intégré, que s’acharner à rendre un jeu plus réaliste n’est que pure perte. Ce qui compte, c’est réussir la meilleure simulation sportive télévisée. Car le jeu de sport ne reproduit pas les sensations du foot, du tennis ou du basket, il donne la possibilité de jouer avec sa retransmission, de prendre sa revanche sur le petit écran. Dans cette idée la série des NBA2K, par exemple, avec tout son habillage visuel emprunté à la télé, ses fausses pubs, ses commentateurs, ses ralentis, est sans doute la licence à avoir poussé le plus loin ce mimétisme. Il ne suffit pas d’intégrer un replay pour donner l’illusion, il faut que le joueur croit réellement interagir avec ce qu’il a l’habitude de voir passivement. C’est la meilleure condition possible pour une simulation sportive, où le gameplay est aussi important que la mise en scène, l’ambiance. Car outre les mécaniques du jeu, qui doivent être chiadés à l’extrême (le genre est impardonnable), le jeu de sport est aussi une sempiternelle occasion de refaire ce match où nous étions simple spectateur ; ce match où notre favori a perdu. Pour espérer retrouver cette magie digitale, il faut donc que le réalisme technique soit du meilleur niveau possible et que le casting soit au plus proche de la réalité. Top spin 3, qui tente de s’installer comme la nouvelle référence du jeu de tennis, a clairement, malgré toutes ses qualités, laisser passer quelque chose de ce point de vue là.

Au moment où nous découvrions cette dernière mouture de Top spin, Federer et Nadal jouaient un match titanesque et historique à Wimbledon 2008, une partie inoubliable. Première déception, durable, dont on aura du mal à se remettre : Nadal est une exclu PS3 et on joue sur 360. Pas de n°2 mondial, pas de Némésis pour Federer, c’est un peu comme si on avait enlevé les Ferrari d’une simulation de F1. Le casting en prend un coup, Federer semble bien seul, sorte de demi-dieu face aux Roddick, Blake, Monfils, Nalbandian ou Ancic. D’autant plus seul que les stars, hommes ou femmes (plutôt réussies au demeurant), ne sont pas nombreuses et qu’on attend encore en vain Djokovic. On a du mal à se consoler avec les légendes, Borg et Becker, car rien ne remplacera l’ennemi intime du plus grand joueur de l’histoire du tennis. Déjà déçu et un peu agacé, on tombe encore plus bas lorsque l’on découvre d’improbables joueurs fictifs grossièrement intercalés entre nos stars préférées. Pour un jeu annoncé comme la nouvelle référence du genre, voilà qui fait cheap et, surtout, qui nous sort de l’univers réel du tennis, ce que Virtua tennis, l’autre référence, n’a jamais osé. Inutile de dire que ces avatars insipides sont zappés d’office en multi, car outre leurs compétences particulières, leur présence au détriment d’autres joueurs réels, mais absents, reste une faute impardonnable. On se demande en effet pourquoi PAM, le développeur, s’est refusé la capture de plus de tennismen. Cela donne un aspect inabouti à ce Top spin 3, quelque chose de très français aussi : puisque on n’a pas tous les joueurs, autant en mettre des bidons. Fallait pas.

Après ce casting mitigé et un peu chiche, on pouvait espérer se rattraper sur la mise en scène. Raté : plutôt austère, Top spin 3 offre bien une large variété de cours, réels ou imaginaires, de Roland Garros à un étrange aquarium japonais, sur tous les types de terrains possibles et avec de beaux effets climatiques, mais, tant au niveau de l’habillage, des ralentis que l’ambiance sonore, le jeu est finalement assez limité (sauf le bruit des balles sur la raquette). Pour peu qu’on ne creuse pas, qu’on ne prenne pas le temps de s’y intéresser, il pourrait même sembler soporifique, froid ; d’autant qu’à première vue ce n’est pas la vitesse un peu molle des balles qui le rendra plus sexy. C’est que Top spin 3 ne se donne pas tout de suite, il n’a pas l’allure et le punch immédiat de Virtua tennis, ce gameplay intuitif et instantané qui, à force, révèle toute sa profondeur. Dès le premier échange, Top spin 3 frappe par la complexité de ses mécanismes, une prise en main ardue, obligeant le joueur à suivre un tutorial plutôt bien fichu sans quoi il est impossible de saisir toutes ses subtilités. On sent immédiatement que le jeu ne sera pas aimable, mais qu’à l’usure il a un fort potentiel et surtout une belle marge de progression. C’est pourquoi on se lance, malgré un sentiment partagé, dans l’inévitable mode carrière entamé par la création d’un perso, de toute pièce ou presque. Sans rentrer dans les détails – PAM s’étant acharné sur les possibilités de customisation de l’avatar -, on reste à nouveau très sceptique vu les options proposées, aussi nombreuses que vaines et parfois assez mal foutues. Nouveau problème en ce qui concerne le réalisme, limite du jeu qui, visuellement, alterne les moments soignés et d’autres plus bâclés.

Une fois lancé en solo, le jeu propose un cheminement logique : partir du fond du classement et ses matchs amateurs, passer en junior, puis rejoindre le circuit pro dans l’espoir d’atteindre le grand chelem ou d’affronter les meilleurs joueurs mondiaux sur leur terrain favori. Pourquoi pas. Seulement se pose vite un problème : si, au fur et à mesure des parties, les possibilités du gameplay commencent à se révéler, si on comprend mieux que tout est une question de timing intransigeant, de positionnement sur la balle de l’adversaire, de coups à charger et de directions à placer au bon moment, le plaisir du joueur est vite estompé lorsque débute le tournoi junior. Soudainement, Top spin 3 calme, refroidit même, par sa difficulté abusive et mal dosée. On veut d’abord croire à un problème d’acclimatation ou à un gage supplémentaire de réalisme (enchaîner les matchs pour peaufiner son jeu et s’améliorer), sauf qu’une fois en junior (puis en pro), il est très difficile de progresser sans victoire. Proposant de passer d’un tournoi à l’autre en suivant le calendrier, donc de mois en mois (ce qui à force se révèle moins varié qu’un Virtua tennis qui propose, lui, des mini-games et divers challenges), le jeu nous confronte d’emblée à des adversaires aux capacités nettement supérieures aux nôtres. Et comme il est impossible d’engranger des points d’expérience pour customiser son personnage sans victoire, on rame, excédé par la ténacité infernale des adversaires. Bien que divisés en deux catégories, facile et difficile, les tournois tournent vite au cauchemar quelque soit le niveau de difficulté choisie. Pour s’en sortir et espérer prendre un peu de plaisir tout en progressant, pas d’autre alternative que de baisser provisoirement la difficulté du jeu de normal à facile – et on n’a pas honte de l’avouer.

Difficulté toujours, décidément mal équilibrée, puisqu’en mode facile les adversaires s’enchaînent parfois avec une simplicité déconcertante (les jeux blancs pleuvent) ; d’autres fois, ils se révèlent incroyablement résistants, bondissant sur toutes les balles pour des échanges éprouvants. Après une petite expérience en mode exhibition avec le mode de difficulté le plus élevé, on s’aperçoit même que celui-ci correspond à peu près au mode normal en solo. Et il ne s’agit pas que des compétences du joueur (un coup droit ou un revers avec un maximum de points), ni nécessairement de l’adversaire, inconstant selon les matchs, c’est inexplicable. Malgré ce problème, assez gênant quant à cette fameuse orientation simu, Top spin 3 révèle la profondeur de son système sur la durée. A force de maîtrise, les matchs ont de l’allure, ils gagnent en vélocité, en finesse et en style, les joueurs exécutant parfois des mouvements du plus bel effet. C’est indéniable, le jeu a ses points faibles, mais il reste solide. Plus technique qu’unVirtua tennis, il demande davantage de précision, de rigueur, d’analyse, de stratégie et de maîtrise (ses fameux « coups risqués » à jauger désormais soi-même). L’I.A est peut-être inégale (un set l’adversaire monte constamment au filet ; le suivant il ne joue plus qu’en fond de cours…), mais au final elle se révèle plus combative que celle du jeu de Sega. On doute aussi de l’utilité d’un ajout comme la jauge de fatigue, pas très maîtrisée et qui donne plutôt l’impression que les personnages sont bourrés, mais dans l’ensemble le jeu offre, passé quelques aléas, des parties intenses où l’on retrouve la beauté et le réalisme des matchs télévisés. Il n’a pas le côté définitif et parfait de Virtua tennis, ni sa puissance, mais pour la variété de son gameplay et la fidélité de l’animation, Top spin 3 finit par convaincre et permet de patienter en attendant que Sega signe le quatrième volet de sa précieuse licence.