Une prison où l’univers carcéral d’Oz côtoie les créatures décharnées d’Hellraiser. Un détenu muet et harcelé par de funestes visions. Tel est le théâtre des opérations de cette sympathique série B. L’occasion pour Midway de marquer l’essai sur le terrain surhanté du survival ou d’engluer le joueur dans la logique « play & watch » du movie-game Kojimesque ?

Warning aux éditeurs : à force de nous abreuver de jeux « matures » (le terme promotionnel le plus employé sur le salon de l’E3), on va commencer à prendre Kirby, la boule rose de Nintendo, pour une figure hautement subversive. The Suffering, énième survival, n’échappe pas au canons de ce nouveau dogme du jeu ciblé adulescent : dialogue crus, personnages torturés, apparitions surnaturelles cheap et dépeçage à la va-comme-je-te-pousse (au crime). Dans ce collage pop du glauque on reconnaîtra dans le désordre : un docteur copy-cat de Jeffrey combs dans La Maison de l’horreur, les hallucinations d’Eternal darkness, les superpouvoirs intérimaires de Bloodrayne, les détenus de la série Oz, les salauds maso d’Hellraiser, un héros Wolverinien et l’ambiance générale de Silent Hill. L’indigestion pointerait le bout de son pixel si un soin tout particulier n’avait été accordé au rythme du jeu : maîtrisé et haletant de bout en bout. Bombardé d’informations et de monologues terrifiés, le joueur en oublie jusqu’à la linéarité des corridors de cette prison en forme de train fantôme. Entrer. Dézinguer. Actionner l’interrupteur. Sortir. The Suffering est un ride-game assorti d’un gameplay sobre et efficace. De quoi laisser la part belle à une mise en situation sans chichi où les matons et autres co-détenus hurlent aussi fort que les flingues.

Las, d’une profondeur de jeu maigrelette, on est en droit de se poser la question de la légitimité du média tant The Suffering donne plus au cinéma de genre qu’il ne fournit d’horizons nouveaux au survival-horror. Troublante sensation que de faire l’expérience du jeu à licence d’un film pas encore tourné. Par une accumulation de scripts qui confinent au vertige, The Suffering est presque meilleur à suivre un paquet de pop corn à la main, assis à côté du joueur, pour profiter et du spectacle et des dialogues. Presque, car, loin des longues ruptures d’activité imposées par un Metal gear solid 2, le joueur reste toujours maître de ses mouvements. Mieux, la rencontre de nouveaux personnages est toujours l’occasion d’un pile ou face morbide s’illustrant par les voix antagonistes de la conscience du héros (« Tue-le maintenant ! Avant que ce parasite ne te ralentisse… » ; « Aide-le ! Tu peux encore sauver ton âme »). Ce choix de vie ou de mort, sur chacun des personnages rencontrés, influe directement sur l’issue finale de ce road-movie hystérique. Bien sûr, la voix du sang s’achèvera sur un prévisible constat : le crime ne paie plus.

Avec The Suffering, Midway pose les jalons du survival-nanar où par la grâce d’un rythme frénétique, répondent à l’appel d’infréquentables cousins du cinéma bis. Leur road-game saignant n’en demeure pas moins une expérience de gaming appauvrie, symptôme d’une industrie qui, a force de presser du DVD, se détourne du jeu et ne rêve plus que de cinéma. Le téléfilm du samedi soir en plus interactif, en somme.