Ripé sans vergogne durant son heure de gloire, Rambo n’a jamais eu la chance de pouvoir poser son titre, officiel, au fronton d’un jeu décent. Maudit, ou bien inadaptable ? Sans doute un peu des deux, et la malédiction continue avec ce Rambo the Video Game transformant tout dernier espoir en mort annoncée. C’est donc sans surprise que le jeu, prédit de longue date comme un nanar maousse, enfile sa panoplie, sans décevoir, fidèle à une réputation pré-acquise. La faute à un titre mal branlé, bourré de bugs, et qui hésite d’emblée : rail shooter ou FPS ? « Bah on a qu’à faire les deux ? » Jeu de stealth à la Thief ou QTE ? « On mélange tout, mais, surtout, on se prend pas la tête. » Et l’intrigue, on adapte quel film ? « Tous, enfin les trois premiers, mais on les réinterprète quand-même, un peu. » Rambo the Video Game commence ainsi par la mort du personnage, voyant lors de son enterrement un gradé raconter ses aventures, celles des films, vaguement réécrites pour les besoins du jeu. Bâtard et fauché en tout, celui-ci débouche inévitablement sur un gameplay aberrant d’approximation et qui, à lui seul, constitue le plus grand morceau de bravoure. Des passages entiers, comme la fuite dans la forêt du premier film, se jouent à une main, tandis que d’autres obligent à insister péniblement devant une difficulté déséquilibrée, pas testée, voire à l’arrache complète.

Et Stallone dans tout ça ? Là, on touche le fond. Le rapport du jeu à son acteur et donc son icône est la conséquence d’un développement de la loose assez épique. Sans Stallone au doublage (ah oui), le jeu ne sait pas sur quel pied danser, et le personnage apparaît tantôt et le plupart du temps taiseux, avec une gueule et une coiffure de Dominique Rocheteau pour vignette Panini des années 80. Tantôt, il ouvre la bouche, laissant entendre des dialogues sortis dont ne sait où : enregistrés sur un dictaphone à partir des films, ou bien joués par un autre acteur mort de honte ? Difficile à dire. Mais l’effet, compliqué, met le jeu dans une drôle de situation, comme si Stallone pouvait être, après-tout, secondaire à Rambo, alors qu’il n’est rien sans lui. Qu’il n’aurait jamais incarné la même idée (ce corps regeanien traumatisé), s’il n’avait lui-même, au fond, inscrit ce désir d’être l’image d’un pays tout entier.

Pourtant on y revient, pour voir. Probablement aussi parce qu’en dépit de tout -d’aberrations de level design incompréhensible, d’une prise en main éprouvante, ou de la pire visée de l’univers-, le jeu fait exister une forme de nostalgie conforme à celle d’un cinéma appauvri et pachydermique qu’a pu aussi incarner Rambo (2 et 3, les plus emblématiques). Il y a ici comme une adéquation, un dessein un peu calamiteux qu’on fini par épouser, sans ricanement, ni plaisir, mais avec cette fascination étrange pour les échecs sublimes. Après un quatrième film jusqu’au boutiste poussant son concept à son paroxysme, le soldat Rambo méritait mieux que cette purge infréquentable. Mais quelque part, il se retrouve aussi dedans.