C’est un peu comme deux parents très beaux, mais d’une beauté si différente qu’on se demande à quoi ressembleront leurs enfants : avec d’un côté la poésie douce d’un lieu maudit, parcouru au gré de petites énigmes, et de l’autre l’énergie et le rythme du vs fighting appliqué à la juridiction, Professeur Layton vs Phoenix Wright laisse à penser une rencontre improbable entre deux mondes que tout oppose. Et de ce fait, comme le signe d’une impossibilité à faire cohabiter ses deux univers, le jeu délaisse la dimension habituellement chorale du cross over (à l’oeuvre dans les vs fighting comme Marvel vs Capcom) pour s’affirmer plus dans un schéma d’alternance. Le jeu commence ainsi comme dans un Layton classique avant de basculer vers un procès typique du jeu d’avocat. A la jointure des deux (compter bien quatre heures quand même), le jeu bascule alors dans un monde médiéval et magique dont il faudra percer les secrets, ponctués par des procès où l’on défendra des femmes accusées de sorcellerie.

Entre résolution d’énigmes et phases de procès, Layton vs Phoenix Wright fait cohabiter les gameplays plus que les univers dont il arrache ses héros. Mais si le jeu témoigne d’une ambition et d’un travail artistique considérable, avec une volonté de conjuguer les esthétiques de l’un et l’autre, tout y est hélas lié dans un grand récit qui, faisant tout tenir, oublie aussi ce qui en faisait le charme originel. Le jeu manque cruellement de rythme (avec des phases inutilement bavardes ainsi qu’une difficulté trop absente) et d’attachement (avec des personnages secondaires sans saveur). Traînant ainsi en longueur, il s’achève pourtant dans la précipitation, liquidant une histoire dont on aura finalement jamais entrevu la même tendresse à l’oeuvre dans les séries de Capcom et Level 5.

Reste que loin d’être un spin off éloigné, ce cross over doit être vu comme un épisode à part entière dans l’histoire respectives des deux séries. Hasard des localisations (et de même que l’on avait eu Phoenix Wright 4 Apollo Justice avant le 3, Trials and Tribulations) Layton vs Phoenix Wright nous parvient d’ailleurs alors que sont déjà sortis les Dual Destinies et L’héritage des Atlantes. Remis en perspective, on comprendra aussi mieux leurs faiblesses. Alors que dans le dernier Layton, c’était l’unité de lieu qui volait en éclat, le joueur parcourant des villages variés sans jamais les habiter véritablement, Phoenix Wright s’est aussi égaré dans une synthèse manquant de folie. Comme si enfin, après l’échec de leur rencontre, chacun était reparti en laissant de côté ses plus grands affects, restés seulement dans la mémoire des joueurs.