On en parle sans doute moins, mais il n’y a pas que les séries pour révéler l’art dustorytelling sur petit écran. Cela, le sport le fait aussi depuis bien longtemps, transcendant son potentiel épique et tragique dans un sens de l’organisation, du rythme et de la mise en scène télévisée. Précisons qu’il s’agit encore là, comme pour les séries, de quelque chose d’essentiellement américain, à peine approché par la Premier league anglaise (avec ses clubs historiques et son sens du spectacle), seul équivalent européen des grandes ligues US qui témoigne d’une volonté systématique de sublimer l’évènement et ses acteurs. En basket, il faut voir comment la NBA réussit l’exploit de saturer à la fois le spectateur d’images (matches quasiment tous les soirs) et en même temps, créer du sensationnel selon un art du cadre et de la formule (format des playoffs, découpage de la saison, drafts, hall of fame etc.). Plus qu’un sport, c’est un monde entier qui vit là, peuplé de héros que l’on se répète à admirer au grée d’exploits chiffrés dans d’infinies lignes de stats.

 

Cette dimension mondaine, la série des NBA 2K, l’a intégrée depuis bien des épisodes, dépassant le cadre de la simulation du sport sur lequel il excellait au départ, pour bifurquer vers une simulation des affects de sa représentation médiatique: tout le folklore hors terrain y est représenté, les « signature moves » de joueurs stars retranscrits, les spots de pubs et les prochains matches annoncés à chaque pause. Mais surtout, la série a su développer une approche historique qui dépasse de loin tout ce qui avait pu être tenté dans les FIFA et PES à ce sujet. Après avoir touché à Michael Jordan, la dream team, et ressuscité les grands joueurs de toutes les époques, la particularité de ce cru 2014 est ainsi de se concentrer sur un seul joueur: Lebron James. Si ce choix s’avère naturel, le joueur étant au faîte de sa gloire, auréolé d’un deuxième titre et survolant la concurrence, il faut aussi pour le comprendre situer sa trajectoire singulière. Car celui qu’on annonçait déjà comme l’élu à peine lycéen, fut aussi conspué par ses choix de carrière, raillé pour sa faiblesse mentale avant de trouver la voie de la rédemption et d’un succès qu’on lui pré-destinait.

 

L’introduction du jeu annonce ainsi le glissement opéré par la série. A la place d’habituels highlights qui viendraient mettre le joueur en appétit, il n’y a que Lebron James qui fait face à au joueur pour lui annoncer le dur chemin vers la gloire, et vendre un rêve mis en perspective dans un mode carrière où l’on construit patiemment son joueur. Et ce chemin déjà tracé aussi bien par les marketeurs de la NBA que par un athlète qui sera finalement allé au bout de sa volonté, le jeu de Visual Concepts le prolonge encore par un exercice de prospective, où l’on va devoir jouer l’équipe de Lebron James au cours de matches clés, scénarisés pour mettre en avant le joueur, le transformer en sauveur de l’équipe, lui faire battre des records et empocher des titres supplémentaires. En cela, NBA 2K14 emprunte les sentiers d’une fiction qui ne laisse plus la seule passion du joueur refaire l’histoire du monde de la NBA chez lui, mais lui fournit les clés d’un scénario dans lequel s’investir pour vibrer en résonance avec la réalité. Arrivé là, le jeu permet enfin de comprendre le devenir du sport médiatique: celui du monde du catch et du soap, non loin aussi de toutes les séries télévisées. Cela tombe finalement assez bien: du même éditeur, WWE 2K14 devrait bientôt sortir.