Les casuals posés de chez Crunching Koalas ne se pressent pas ni ne se prennent la tête. Ambiance cool et détendue jusque dans leur logo exotique, qui donne plus envie de roupiller que de se plonger dans un Puzzle-Game complexe. Mousecraft de son petit nom, c’est le bébé de ces jeunes développeurs dont une partie a déjà roulé sa bosse sur d’autres titres, confidentiels, à résolution d’énigmes (Phantasmat, Ancien Quest of Saqqarah). Pour leur premier jeu ensemble, les Koalas ont décidé de mettre en scène des souris dans un territoire expérimental. Le fameux chat de Schrödinger, reconverti en savant fou, conduit des tests un petit peu étranges à base de fromage et de rongeurs. Placé derrière une vitre, il fait en sorte que les souris atteignent le sésame sans encombre. Il ne reste plus qu’au joueur à mettre les pièces dans le bon ordre.

Si les créatifs se revendiquent d’un mix entre Tetris et Lemmings, c’est bien parce que le jeu tient à l’équilibre des deux. Chaque tableau consiste, initialement, en un placement stratégique de tétrominos que l’on trafiquera afin que les souris (au nombre de trois), lancées bille en tête avec la marche avant pour seule guide, atteignent leur objectif final. Autour de ce principe axial vient se greffer une myriade d’électrons qui densifient à outrance le gameplay. Mais si Mousecraft inonde peut-être le joueur sous le poids d’une myriade d’introductions soudaines, il n’en demeure pas moins efficacement rythmé.

Jamais plus de deux ou trois tableaux ne sont consacrés à l’exposition d’un nouvel élément, de telle sorte que le jeu évite les creux de cadence qui sont très vite fatals dans un puzzle-game où l’histoire est anecdotique. Mais il faut aussi concéder au game-design une certaine science de l’instillation d’intuition chez le joueur, qui le persuade machinalement de rester : Mousecraft, sans se faire voir, guide subtilement la main vers la stratégie dominante. La satisfaction de réussir à déjouer un système si complexe et débordant qui cherche à nous perdre fait systématiquement son petit effet. Autant se l’avouer : le principe est rodé, se renouvelle intelligemment et fait le bon choix d’être condensé en quelques heures plutôt qu’éparpillé inutilement. Une gageure d’ailleurs que le mode online permettant de partager nos niveaux ne soit pas encore à l’ordre du jour.

Car Mousecraft est juste un puzzle-game léger et bien pensé, quand il aurait pu être un phénomène arcade et social avec plus de volonté et de moyens. En tirant trop sur les racines réflexives de ses mentors et pas assez sur celles de Tetris, le titre de Crunching Koalas se prive d’une nervosité, d’une franchise et d’une rejouabilité qui auraient pu relever un ensemble certes propre, mais beaucoup trop lisse et impersonnel. Mousecraft manque d’une identité, d’un liant, d’un punch qui le fasse s’élever au-dessus de la masse des petits jeux de réflexion sympathiques qui pullulent. Si ses puzzles sont audacieusement panachés et accrochent, on les traverse sans appétit aucun, comme on remplit d’un intérêt feint une grille de mots-croisés, simplement parce qu’elle se trouvait là et que l’engrenage routinier s’était enclenché. Aussitôt la concentration est-elle perturbée que l’on se détourne. On ne trouve pas d’enjeu, d’attachement, de défi. Avec sa musique d’ascenseur et son ambiance de salle d’attente de cabinet de médecin, le festin annoncé pour les souris n’aura pas lieu : Mousecraft est aussi efficace et anecdotique que de l’emmental.

En attendant, chez les koalas polonais, on « se donne pour mission de délivrer des expériences enrichissantes […] pour tous ceux qui ont besoin d’une pause ». On se voit déjà dorer au soleil en tâtant du Mousecraft sur sa Vita, entre le Sudoku de Télémag et le test minceur de Closer. Dommage toutefois que le manque d’ambition ait coupé la chique à une belle alchimie des mécaniques.