« Ground control to Major Tom… / Take your protein pill and put your helmet on ».

Il est des voyages que l’on gardera toujours en tête comme une parenthèse inattendue : l’atterrissage catastrophe et maîtrisé de Samus Aran dans le monde de la 3D tenait bel et bien du miracle. FPS éthéré et jeu d’aventure nerveux, Metroid prime avait mis à genou une critique prête à lui sauter au coup, tous crocs dehors. Un équilibre savant entre la course à l’armement et la contemplation d’un écosystème venimeux aujourd’hui remis en balance. Tallon IV et ses kilomètres de couloirs, de grottes et de ruines… Comme certains héros d’Henry James, Samus Aran est une touriste des civilisations en perdition. C’est une spectatrice de l’après-histoire. Quand seules les pierres et quelques moniteurs-reliques parlent encore sous les rayons du scanner. La grande idée de Miyamoto (chargé à l’époque de superviser le travail de Retro studios) a été d’imposer la vue à la première personne et de multiplier les types de viseurs.

Metroid prime, premier FPS multi-couches. Renforçant le poids réel et supposé de l’armure de Samus autant que celle de sa solitude. Condamnant, aux yeux du joueur, Tallon IV, comme plus tard Ether (dans Metroid prime 2 : Echoes), aux rang de planètes forcément hostiles, fondamentalement viciées. Des ruines. Irrespirables. Inhabitées, mais grouillantes. Planètes-tombeaux dont l’âge d’or défile en kilomètres de texte sans auteur. Mais l’interface / viseur de Samus tenait aussi un autre rôle : maintenir un lien (L) avec l’ennemi. Un couloir à munitions abstrait entre la chasseuse et son gibier. Ce fameux « lock » qui a provoqué à la fois la huée des pro-tireurs PC et qui a permis à Metroid prime d’inaugurer l’appellation FPA ( » aventure à la première personne « ), mais aussi deux immenses succès critiques désavoués par les scores de ventes. Un échec commercial probablement responsable du changement radical que le passage sur portable fait prendre à la série. Certains diront qu’on y perd son âme, d’autres qu’on y apprend à faire du vélo sans roulettes : Metroid prime hunters abandonne le lock et transforme la licence en FPS de poche pour des sensations prochent de celles d’un Unreal tournament light.

Hunters est autant une tentative de redéfinition de la série que l’aboutissement d’une promesse. Celle de pouvoir fidèlement retrouver, grâce au dispositif tactile, le feeling canonique du duo clavier + souris qui fait la joie du fraggeur pécéiste. Un outil de communication unique pour Nintendo, qui prouve par la pratique que la DS peut améliorer des gameplays existants (Hunters s’impose comme LE FPS portable) autant qu’elle peut en créer de nouveaux. D’où ce mode solo étrangement répétitif mais très prenant, où Samus, une fois de plus, est chargée de fouiller les ruines d’une civilisation perdue (les Alimbics) à la recherches d’artefacts dispersés sur quatre planètes, aidée par une interface de navigation spatiale évoquant celle de L’Arche du Capitaine Blood. D’où ce mode multijoueur online, véritable fer de lance du titre où s’affrontent déjà de véritables monstres de maîtrise, très à l’aise dans la peau de nouveaux bounty hunters venus concurrencer la belle Samus sur son propre terrain. C’est une première dans la série, presque un blasphème : jouer à un Metroid prime sans être obligé de revêtir son armure orange, perdre cette sensation de solitude spatiale. Perdre du poids pour gagner sur la distance, Metroid prime hunters sonne comme la revanche d’une licence contemplative à qui l’on refusait le titre de meilleur jeu de tir. Et qui, par la grâce du tactile, s’émancipe à coups de headshots, quitte à se perdre, un peu, tout en préservant ses bases. Et la nostalgie de ses origines.

« Planet Earth is blue / And there’s nothing I can do ».