Chez Nintendo, tout est affaire de combinaisons. Ainsi de ses personnages emblématiques, tous déclinables dans nombre de spin off ou de cross over aux allures de monde fermé mais inépuisable. Devant cette configuration mythologique, la saga Mario & Luigi répond à l’épineuse question du « comment bâtir un jeu où les deux plombiers seraient jouables ensemble simultanément » ? Depuis 10 ans, la série se pose ce problème sur les consoles portables du japonais, Dream Team Bros étant le quatrième épisode d’un concept aussi audacieux que parfois génial où le RPG et le Zelda-like croiseraient la plateforme.

 

Si la formule est toujours aussi fabuleuse (le jeu tient d’une usine frénétique à gameplay), il faut faire preuve d’une certaine abnégation pour en voir le génie dans Dream Team Bros. Il faut tenir bon face à cette impression d’un didacticiel géant ayant si peu de confiance envers son joueur ; accepter la niaiserie parfois assommante de l’univers Nintendo qui atteint là encore nos limites ; outrepasser les dialogues interminables, cimentant une intrigue aux enjeux forcément dérisoires et qui, comme toujours, est un peu l’équivalent du storytelling dans le porno : une mise en condition, un levier permettant de déclencher et explorer les mécaniques de jeu. Il faut car c’est de là, et comme toujours, que naissent les plus folles idées de Nintendo. En s’amusant ici à créer le monde de Koussinos, pur prétexte à jongler avec un univers onirique, le japonais prend Luigi comme super gadget prompt à fusionner avec l’environnement : moustaches élastiques, éternuement tornade, matelas gravitationnel, une fois endormi le frangin devient une géniale interface permettant de jouer avec le décor et faire varier le gameplay. On peut regretter qu’à la quantité des trouvailles Nintendo sacrifie parfois la difficulté, l’ensemble atteste une fois encore d’un savoir faire unique et qui prend le jeu vidéo au pied de la lettre.

 

Cette virtuosité a beau être ultra connue et acquise, la capacité de Nintendo à théoriser ses univers et ses personnages, à transformer la pure simplicité de ses figures ou de ses mondes en grandes machines abstraites, demeure étonnante même en 2013. Pas de quoi faire de ce Mario & Luigi 4 le titre qui surpasse tout (l’effet générique entamant la profondeur de jeu), mais assurément la nouvelle preuve d’un art qui, mine de rien, reste sans équivalent. En ajoutant sans cesse à ses titres de nouvelles variations, Nintendo justifie une fois encore sa politique : c’est en façonnant sans cesse les mêmes jeux qu’on en découvre l’océan de possibilités. Avec son souci frénétique d’additionner (tout reposant ici sur l’association Mario + Luigi, des combats tour par tour à la plateforme), Dream Team Bros est le nouveau témoignage de cette obsession des combinaisons sans fins. On ne sait pas si encore dix ans à sauver Peach finira de nous achever, ou bien si en 2023 Nintendo sera le dernier bastion traditionnel du jeu vidéo. Quoiqu’il en soit, personne n’aura décidément crée des concepts aussi fous et limpides avec presque rien.