Au-delà du délire régressif et des clins d’oeil incessants au symbolisme fécal, LocoRoco sur PSP apportait sans doute un nouveau souffle au jeu de plates-formes en introduisant un gameplay articulé autour de la physique du corps mou et pluricellulaire. Il s’agissait toujours de sauter pour passer des obstacles, mais l’essentiel du jeu consistait à faire pivoter le décor pour faire rouler la riante bouboule. En clair, on contrôlait à la fois directement son avatar, mais aussi son environnement, en le faisant pivoter avec les gachettes de la PSP. Une distinction de commande étrange mais qui fonctionnait à merveille.

Exploration d’un autre rapport à la boule : présenté comme un screensaver interactif, Cocoreccho est en fait un gigantesque niveau dans lequel on ne contrôle plus directement ni l’environnement, ni la boule, mais un charmant papillon chargé de débusquer et de guider, au moyen d’une sorte de sifflet, les LocoRocos vers la sortie de chaque segment. L’astuce des concepteurs, un peu mesquine, consiste à avoir découpé le jeu en séquences incrémentielles. Votre première partie peut durer vingt minutes, puis, après l’écran de fin, le jeu vous félicite d’avoir débloqué un nouveau portail… qui rallongera votre prochaine partie de trente minutes, et ainsi de suite. Pour voir tous les segments du jeu, et pouvoir jouir du très joli paysage sucré dans sa globalité, il faut donc le finir au moins quatre fois. Chaque partie étant plus longue que la précédente, la confiserie portable et casual se change sur PlayStation 3 en parcours du combattant à finir coûte que coûte sous peine de devoir tout recommencer depuis le point de départ. Le rythme de progression, parfois agaçant, qui en découle, rapproche pourtant Cocoreccho, et c’est un comble, des jeux rétros, dont la difficulté et l’avarice garantissaient de très nombreuses après-midi de jeu alors qu’un run sans game over pouvait se boucler en quelques heures – voire en quelques minutes.

Il serait toutefois déplacé de considérer Cocoreccho comme un jeu difficile. A l’instar de Pikmin, et à l’exception de trois sympathiques mini-jeux, la capacité du joueur / papillon à se faire obéir constitue l’aspect principal du challenge. Contrairement aux petits protégés d’Olimar, les LocoRocos avancent tout seul le long d’un parcours en boucle délimité par des portails – ouverts ou fermés. On ne guide pas vraiment les bouboules, on en détourne temporairement le flux afin de le faire grossir en y invitant plus ou moins contre leur gré les LocoRocos endormis ou prisonniers. Un concept austère mais audacieux exalté par l’esthétique crétine et redoutablement efficace de l’univers LocoRoco. Une fois tous les segments débloqués, Cocoreccho et son grand tableau se parcourt comme une toile saturée de détails de Takashi Murakami ou le papier peint bariolé d’un gamin fantasque. Un épatant toboggan ludique dont le grand plongeon commence dès la montée de l’échelle.