Le Musée imaginaire d’Emile Zola n’appartient pas à la catégorie hélas trop fournie des présentations fadasses de grands écrivains (X, sa vie son œuvre), qui sous prétexte de vouloir tout dire ou tout montrer, en fait, ne disent ni ne montrent rien. A l’opposé, ce titre se positionne sur une thématique bien particulière : les relations d’Emile Zola avec la peinture. Le sujet n’est pas nouveau dans les études littéraires universitaires, mais il ne trouve pas facilement dans les ouvrages papier les conditions d’une exploitation intéressante. Avec le multimédia, c’est tout une gamme de mises en relation, de comparaisons, de manipulations, de mises en scène qui s’avèrent possibles pour étudier le sujet.

Ici, on ne s’en prive pas. Le CD-Rom s’articule autour de deux grands pôles : Zola écrivain et Zola journaliste, deux approches différentes des relations de Zola avec la peinture. La première montre comment la peinture a pu influencer Zola dans l’écriture de ses romans ; la seconde présente le critique d’art que Zola fut en tant que journaliste. Evidemment, le premier aspect est le plus mystérieux et le plus intrigant car il n’est pas évident, à la lecture d’un roman, de se rendre compte à quel point telle ou telle toile a pu influencer l’écriture. Or, ce titre fait justement état de rapprochements d’une précision diabolique. Quinze romans ont été choisis dans l’œuvre foisonnante de Zola. Pour chacun d’eux, plusieurs extraits sont présentés et mis en relation avec des tableaux. L’utilisateur est alors invité à explorer réellement les textes puisqu’en survolant certains mots il affiche un détail de l’oeuvre ; en cliquant dessus c’est le tableau entier qui apparaît ; et en activant d’autres liens, on visionne une animation commentée en voix off. Pour qui se prend au jeu, les rapprochements sont tellement précis, millimétrés, nombreux, que la surprise est toujours au rendez-vous. Finalement, ce CD-Rom opère exactement comme opère Zola dans ses romans : on y trouve un souci d’exactitude, de précision, de détail poussé à l’extrême. Une véritable opération chirurgicale en somme. A bien des égards, les rapprochements sont éloquents et étonnants.

Mais en contrepartie, une telle approche présente les mêmes inconvénients que les romans de l’écrivain : toute cette précision finit par paraître froide, étouffante, un peu trop mécanique, un peu trop systématique, et au final sans réelle perspective. Les extraits d’oeuvres, par exemple, sont difficiles à replacer dans leur contexte. L’évolution de Zola au cours des années n’est pas évidente à percevoir : aucune vision de synthèse n’est proposée. Ainsi le titre conviendra davantage aux passionnés de Zola, de la peinture ou du XIXe siècle. Pas vraiment fait pour une première approche de l’auteur…

La partie sur Zola journaliste est totalement différente, presque trop distrayante par rapport à la précédente. Ici, en effet, on peut lire et entendre des critiques d’art écrites par Zola. Mais qu’apporte cette présentation sous forme de mots animés qui s’affichent et disparaissent sur l’écran pendant que l’on entend le texte de Zola ? Est-ce à dire que l’utilisateur n’est pas capable de comprendre simplement en écoutant ?

Pour les littéraires et les amateurs d’art, ce CD-Rom est une mine avec ses 350 tableaux reproduits, ses 160 animations, ses 30 critiques d’art, etc. Pour les autres, gageons que ce soit plutôt une source d’ennui et d’incompréhension. D’autant que l’interface n’est pas franchement aisée à prendre en main, loin de là ! On peine à comprendre comment naviguer dans ce titre et quel sens donner à tel ou tel lien. Tout cela est extrêmement littéraire. Zola ne disait-il pas : « Les peintres m’ont aidé à peindre d’une manière neuve, littérairement » ?