Peut-on vraiment parler de succès surprise à propos du premier God of war ? Cruel, un peu crétin, débordant de testostérone, il était le reflet parfait de la génération d’ados qui l’a porté aux nues. Deux ans plus tard, Sony Santa Monica change de capitaine (David Jaffe remplacé par Cory Barlog) mais garde le cap pour consolider les acquis de son péplum MTV. Pas de réelle surprise, donc, mais un titre-orchestre capable de tout faire à la fois, du beat’em-up à la plate-forme en passant par le rail shooter ou le puzzle environnemental. Comme d’autres avant lui (Gears of war, le catalogue Ubi depuis quelques années), God of war II suit scrupuleusement les règles du blockbuster et s’attache à caresser le joueur dans le sens du poil sans oublier de lui en mettre plein la gueule. Un défi relevé haut la main dès le premier niveau du jeu, bâti autour d’un affrontement explosif entre Kratos et le Colosse de Rhodes qui confirme la tendance d’une série réputée pour la force de ses introductions. God of war II n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il prend la peine de composer ses cadres, jouant d’un scripting inspiré pour faire apparaître, au détour d’un couloir, l’oeil du Colosse scrutant Kratos à travers la fenêtre. Il serait pourtant injuste de ne voir en God of war II qu’une superproduction pompière : derrière l’efficacité de la formule, le titre creuse une vision assez personnelle et déstabilisante de la violence, à la fois comique, excessive et stupide. Pas vraiment putassière, rarement gratuite, elle infiltre la totalité du titre et imprègne son système de jeu, sa mise en scène et son scénario jusqu’à frôler le malaise avec la torture du traducteur, assurément borderline. C’est finalement dans les mécaniques utilisées pour la retranscrire que God of war II trébuche, contraint d’utiliser des raccourcis un peu superficiels pour satisfaire son cahier des charges, à commencer par un bombardement de QTE fatigants. Bien sûr, le plaisir de la découverte aide à fermer les yeux sur la pauvreté du procédé, mais la plupart des séquences contre les ennemis de base sont ici répétées jusqu’à l’écoeurement, quant elles ne se font pas tout simplement en dépit du bon sens (matraquage du bouton rond qui force à changer la position de sa main sur la manette).

Plus grave, ce parti pris de la violence contamine les combats de God of war II, au point de rendre l’action brouillonne dès que la caméra s’éloigne pour embrasser l’arène dans sa totalité. A l’opposée de la vivacité mortelle d’un Ninja gaiden ou du style très aérien de Devil may cry, le système de combat de God of war II s’abat, lourd comme une masse, broyant les côtes de ses adversaires sans grande subtilité. La moindre pression de bouton génère une tornade de lames tandis que le compteur de hits s’envole à une vitesse phénoménale, mais la récompense s’avère totalement disproportionnée au regard de l’effort investi. Là où un beat moderne est censé récompenser la pratique, l’effort et la créativité du joueur, God of war II lui donne tout sans rien demander en retour. Entendons-nous bien : on ne reproche pas au jeu de posséder peu d’enchaînements, God of war II étant parfaitement libre d’explorer sa propre voie, mais une succession de détails viennent pourtant miner le plaisir de jeu. Ainsi, si l’ensemble s’avère assez diversifié (contres, plusieurs armes secondaires et principales), on réalise rapidement que la lance ou le marteau sont moins funs à utiliser que les lames d’Athéna. Le changement d’arme instantané qui faisait les beaux jours de Devil may cry 3 est ici repris sans vraiment faire sens, l’airtime des adversaires étant trop réduit pour offrir des solutions de repêchage intéressantes. Au bout du compte, entre les ennemis massifs qui ne subissent aucun recul lorsqu’on les frappe et les groupes d’adversaires qui vous saignent dès que votre mouvement est un peu trop long, le joueur devra se résoudre à n’utiliser qu’une petite partie de sa palette de mouvements pour éviter de s’exposer à une contre-attaque meurtrière. Ces défauts auraient été moins voyants si God of war II avait choisi l’aventure plutôt que le combat, mais cette suite plus longue dilue les énigmes et la plate-forme plus que de raison, à tel point que le castagne accapare 70% du jeu.

God of war II demeure un titre impressionnant, capable d’enchaîner les morceaux de bravoure avec une facilité déconcertante : une introduction tétanisante, de bonnes idées de situations (le combat à contre-jour) ou de décors (les chevaux de pierre cyclopéens), deux dernières heures fabuleuses, un indéniable talent dans le placement des caméra, dans cette capacité à faire durer un plan un peu trop longtemps pour voir Kratos disparaître à l’horizon. Le titre progresse avec une intelligence remarquable et prend un plaisir évident à changer de sujet avant que la lassitude s’installe, si bien que dans une optique de train fantôme, on n’a pas fait beaucoup mieux sur cette génération. Seulement voilà, sorti de ses fascinants jeux de proportions et de sa réalisation prodigieuse, on ne peut s’empêcher de sentir comme un grand vide au terme de l’aventure. Est-ce en raison de ses mécaniques un peu superficielles qui s’entêtent à placer le joueur dans une position de spectateur ? De ses affrontements qui s’éternisent sans l’appui d’un système intéressant pour les sublimer ? Sur le terrain de la mise en scène et de la variété, la licence de Sony ridiculise God hand, Devil may cry et Ninja gaiden. Sur celui de la profondeur de jeu et du plaisir des doigts, il n’arrive à la cheville d’aucun des titres cités. God of war II excelle à remplir tous les objectifs qu’il s’était fixé. Reste à savoir si ces objectifs vous intéressent.