Back to the roots… Pour clore la trilogie Final fantasy (FF) sur PlayStation en beauté, SquareSoft a finalement opté pour un retour au médiéval pur jus, dans la grande tradition des FF NES et SNES. Pour autant, suffisait-il de reprendre les principaux éléments du dernier épisode paru sur la 16 bits de Nintendo -le magnifique et crépusculaire FF6– pour réitérer l’exploit, celui de conclure sur un chef-d’œuvre ?

Initialement, ce neuvième opus était conçu comme un épisode « dérivé » de la série. Une sorte de « FFNostalgia » sans doute. En intégrant FF9 directement dans la saga, SquareSoft prenait peut-être plus de risques qu’il n’y paraît. Celui de briser l’évolution d’une série qui semble être parvenue à maturation avec le huitième épisode. Malheureusement, FF8 n’a pas plu à tout le monde. Pour autant de bonnes raisons -personnages secondaires et méchants sous-exploités, scénario casse-gueule-, que de mauvaises -le système complexe et théorique des associations, une ambiance rétro-futuriste, un sentimentalisme très shojô-like. Il fallait sans doute corriger le tir et caresser un peu le RPG-gamer conservateur dans le sens du poil.

Au vu des premiers screenshots de son successeur sur PS2, très proche artistiquement de FF8, il semblerait toutefois que FF9 ne soit qu’un « one-shot », à savourer comme un tribute à l’une des séries les plus prestigieuses de l’histoire des jeux vidéo. On laissera donc de côté les procès d’intention pour se focaliser sur l’essentiel. FF9 est-il un bon crû de la saga de Sakagushi ?

On retrouvera donc, avec plaisir ou lassitude, ce qui fait les composantes d’un scénario de FF classique. Un groupe de jeunes aventuriers, dont certains ont oublié leurs origines -l’amnésie, un des ressorts dramatiques dont Square use et abuse-, un monarque impérialiste se faisant doubler par une âme damnée plus cruelle et plus retorse, des créatures mythiques utilisées à mauvais escient, les Chimères -ex-Espers, ex-Gforces. Plus quelques réflexions gentillettes sur l’amour, l’amitié, le droit à la différence et la tolérance. Rien de scandaleux, le canevas est à peu près toujours identique. La différence réside dans le fait que FF9 fonctionne sur l’autoréférence, voire l’auto-parodie. Le mage noir Bibi, par exemple, est une réminiscence directe des FF pré-FF6, comme la plupart des autres classes -mages blancs, chevaliers dragon, etc- réintroduites ici après une longue parenthèse de trois épisodes. Plus intéressant, le « big vilain », Kuja, compose un Sephiroth -le méchant de FF7- androgyne et précieux, affublé d’une cruauté proto-fachisante héritée du généralissime psychopathe de FF6, l’inoubliable Kefka. Sans forcément avoir la classe de ses deux modèles…

Et c’est là que le bât blesse. A force de s’auto-citer, SquareSoft finit par ne plus surprendre du tout. FF9 est un beau produit, sans doute le plus abouti de la période Sony artistiquement -de magnifiques cinématiques, plus présentes encore que dans les deux épisodes précédents- et bourré de belles idées poétiques, mais dénué de ce supplément d’âme nous donnerait l’impression de ne pas jouer sur des rails pré-établis. Ce serait néanmoins de la pure mauvaise foi si l’on affirmait que le fan de base ne se laissera pas prendre au jeu une fois de plus. « L’histoire ne se répète jamais », dixit le dossier de presse. Publicité mensongère, bien entendu, mais la formule, même ressassée, est toujours convaincante.

Et puis il y a quelques améliorations qu’il serait dommage de passer sous silence. Le fait de pouvoir combattre à quatre simultanément, une gestion des caractéristiques simplifiée qui nous épargne la consultation de tutoriaux interminables, une difficulté revue légèrement à la hausse. Et surtout des phases d’invocation plus courtes. Le reste est un peu plus anecdotique : les Active Time Events (ATE) permettent de suivre les actions des personnages qui ne sont pas dans votre équipe, mais on a du mal à évaluer leur véritable utilité. A noter enfin l’existence d’un nouveau jeu de cartes, à la fois plus simple et plus obscur que celui de FF8.

Les opposants au RPG made in Japan relèveront sans doute que certains défauts rédhibitoires ont échappé au ravalement de façade. Tels ces musiques à l’orchestration binaire d’un Uemastu qui commence sérieusement à fatiguer. Ou encore des phases de dialogues longuettes souvent basées sur des intrigues sentimentales un peu gnangnan. Et puis cette implacable linéarité qui ne s’efface, comme d’habitude, qu’à partir du troisième CD…

Définitivement consensuel et axé grand public, FF9 est peut-être l’épisode le moins intéressant de la série sur Playstation. Jusqu’à présent, celle-ci parvenait effectivement avec plus ou moins de bonheur à combiner le commercial avec l’expérimental. La recette est tout de même une fois de plus furieusement efficace. Et devrait convenir à tout fan de RPG jap’ qui se respecte. En attendant une véritable révolution de forme avec le dixième opus sur PS2.