Il faut se méfier des testeurs américains, il leur arrive d’avoir des goûts de chiottes. On reste encore sans voix devant certaines critiques de jeux tels que Blinx ou Wreckless sur Xbox dont on se demande si certains avis favorables n’ont pas été provoqués par une certaine dose de chauvinisme vidéoludique inconscient… Pas de mauvais procès, le GameCube a aussi eu le droit à un beau consensus critique à travers Eternal darkness : pensez donc, Nintendo se jetant à corps perdu dans l’adult-gaming et le survival-horror, forcément ça intrigue. Pourquoi pas Capcom pondant un nouveau concept ou Rockstar Games développant un jeu cucul-rose-bonbon ? Cela dit, Nintendo fait désormais dans le simili-FPS –Metroid Prime-, et c’est plutôt bien parti. On ne demandait donc qu’à voir le résultat.

Eternal darkness n’est pas aussi catastrophique qu’on pouvait le soupçonner. Il ne méritait juste pas autant de louanges. Parti repêcher l’équipe des Silicon Knights, orpheline de la licence Legacy of Kain -mal- récupérée par Eidos, Nintendo s’est décidé à changer ses couches kawai. On ne tombe pas encore tout à fait dans l’exégèse de la décomposition et des affres de l’after-death à la Silent Hill 2. Mais bon, un peu de sang, de meurtres et une histoire flirtant avec le panthéon Lovecraftien, c’est tout de même beaucoup plus hardcore qu’un plombier en salopette. Nous voici donc dans la peau d’Alexandra Roivas -« savior » à l’envers, admirez le retournement sémantique-, jeune étudiante-bimbo partie dans le Rhodes Island enquêter sur l’assassinat sauvage de son grand-père. En fouillant dans le manoir familial, elle va tomber sur un livre mystérieux dont chaque chapitre raconte la lutte d’une poignée d’élus pour empêcher le retour sur Terre d’anciennes divinités pas vraiment portées sur l’humanisme. Pragmatique, le jeu propose d’incarner tous ces personnages aussi divers que variés -centurion romain, khmer, perse, savant du XVIIIe siècle emperruqué, ersatz d’Indiana Jones, etc. Décomposé en plusieurs chapitres distincts connectés entre eux par les recherches d’Alexandra, Eternal darkness promettait une longue quête épique à travers les âges et les continents. Une promesse de variétés, de profondeur et de sensations… Une promesse non tenue : on bouffe de la vieille pierre à perte de vue.

Au lieu de faire voyager le joueur sur plusieurs époques et civilisations, les petits malins de Silicon Knights ont préféré la solution flemmarde de la claustrophobie. On bondit de temples abandonnés en souterrains en ruines, avec quelques passages répétés dans le manoir des Roivas. On revient souvent sur nos pas, mais à des époques différentes, en incarnant des personnages dont le charisme laisse franchement à désirer -il faut dire qu’on n’a pas énormément de temps pour les apprécier. Chaque chapitre repose, de plus, peu ou prou sur le même canevas : on découvre le personnage, le personnage découvre le livre maudit, affronte quelques squelettes fluos, puis finit généralement très mal, entre mort atroce et folie la plus totale. A quelques détails près, le mécanisme se répète à l’envi jusqu’à l’ennui le plus profond.

Initialement prévu sur N64, Eternal darkness accuse un graphisme d’un autre âge qui s’accorde parfaitement avec l’impression constante de gameplay old-school. Par moment on croirait presque être revenu à l’époque du premier Alone in the dark. Répétitif, systématique et vieillot, Eternal darkness ne doit sa hype qu’à une maigre innovation : le sanity-meter. Dès qu’un de vos avatars croise un monstre plus ou moins effrayant, sa jauge de santé mentale baisse. Et plus elle baisse, plus votre personnage est en proie à des hallucinations. Relativement variées dans leur ensemble, ces hallucinations provoquent une confusion qui créée une tension indéniable. Entre fausses morts, faux bugs et fausses fins, le panel est large et a le mérite de surprendre puisqu’il implique, au-delà de la propre perception de l’avatar, les rouages mêmes du support. C’est peu, et, là encore, le système finit par tourner en rond. Mieux exploitée, l’idée aurait certainement pu sauver le jeu de son académisme.