Après l’excellent Midtown madness, c’est au tour de la fameuse équipe de Reflections de nous faire part de leur vision très personnelle de la conduite urbaine avec son dernier né, Driver. Beaucoup de similitudes entre les deux produits mais Driver se distingue par une optique nettement plus aventure/action, soit « un nouveau genre de jeu sur Playstation », dixit le dossier de presse. Bigre… C’est vrai sur papier, le concept est ultra séduisant : vous incarnez un flic infiltré dans la Mafia nord-américaine. Ça, c’est pour la caution morale politiquement correcte. En fait il s’agit d’accomplir les pires méfaits en ne respectant aucun des codes sacrés de la Sécurité routière. Au fur et à mesure que vous progresserez vous découvrirez l’existence d’un complot mafio-politico-occulte -le syndrome JFK, ou Fox Mulder- qui vise à ébranler sérieusement les institutions de votre Sainte-Mère Patrie.
Voilà pour la déclaration d’intention, jetons maintenant un coup d’œil sur la pratique : il s’agit en fait d’une série de petites missions au parcours semi-linéaire, dans 4 des plus grandes agglomérations américaines, soit Miami, San Francisco, Los Angeles et New York. Concept séduisant donc, mais dans le feu de l’action il s’agit surtout d’aller d’un point A à un point B, le plus vite possible et en un seul morceau, avec quelques variantes de style : poursuivre un adversaire et lui casser sa belle auto, poursuivre un monorail (pas facile), effrayer un mauvais payeur en l’emmenant faire une petite « balade », semer la flicaille, j’en passe. Après chaque mission, vous retournez à la maison pour consulter votre répondeur et choisir une nouvelle tâche à accomplir. Le déroulement de l’intrigue étant influencé par vos décisions.

Clairement, les auteurs de Driver se sont ressourcés dans le polar des années 70, des films Blaxpoitation aux séries TV style Starsky et Hutch, des Blues Brothers au mythique Bullit -il suffit de se retrouver à faire des bonds de cabris à San Francisco pour s’en persuader. Du coup, côté musique, ça « laloshifrine » à mort, sur 6 morceaux-pastiches à la qualité irréprochable. On se surprend à monter le volume de la musique pour baisser celui des bruitages -fort bien retranscris, mais les ronronnements de moteurs, ça lasse, fatalement… Coupes afros de rigueur et voitures seventies, l’immersion dans un genre très typé réjouira les cinéphages de tous poils.

Hélas, quelques réserves empêche Driver d’être ce chef-d’œuvre autoproclamé. D’abord, l’interface générale est peu pratique : le système de highlight dans les tableaux d’options, par exemple, est franchement illogique. Les scènes cinématiques de transition sont quant à elles laides à faire peur. Le moteur 3D est correct, ni ahurissant, ni décevant ; il faut dire qu’on attendait peut-être beaucoup de l’équipe qui avait réalisé les classiques Destruction Derby 1 et 2. Il n’est pas rare de devoir subir quelques ralentissements. Ceci dit, les villes sont bien réalisées et le terrain d’action très large. On s’étonnera d’autant plus que les premières missions, franchement répétitives, ne nous emmènent toujours qu’aux mêmes endroits. On peut comprendre ce qu’il y a de frustrant à se taper tout le stage de San Francisco sans passer une seule fois sur le Golden Gate, pourtant bel et bien modélisé par les développeurs. Sans parler de quelques bugs, épars mais gênant -à moins que le fait de rouler sur la mer soit tout à fait normal et que le flic que vous incarnez soit un avatar motorisé de Jésus Christ ! Dommage aussi que votre personnage soit aussi impersonnel, aussi expressif et bavard qu’un Kitano avec une extinction de voix. Un peu d’imagination que diable ! On passera rapidement sur les voix françaises, une fois de plus ridicules, les truands parlant avec l’accent corse…

Mais quoi de plus exaltant que de survoler un barrage de police après un vol plané sur les routes inimitables de San Francisco. Il faut dire que les flics de Driver sont vraiment hargneux, façon kamikazes. Et plus vous commettez d’infractions, plus ils sont tenaces, n’hésitant pas à former des barrages de voitures que vous devrez éviter ou détruire, au risque de réduire considérablement l’espérance de vie de votre véhicule. Plus vous avancez dans le jeu, plus les missions varient et deviennent délicates à effectuer. Bref, avec 44 missions, vous n’êtes pas prêts d’en voir le bout, quand bien même vous ne pourriez décoller vos doigts moites du joypad.
Un dernier regret pour finir : l’impossibilité de jouer à deux, ce qui aurait considérablement rallongé la durée de vie du jeu. Rassurez-vous, les quelques petits défauts précités sont finalement assez superficiels face au gameplay indiscutables de Driver.