Après le jeu vidéo, pourquoi vous être lancés aussi sur le marché du cinéma ?

Mike Wilson_Devolver est aujourd’hui dans le jeu vidéo depuis à peu près cinq ans. Durant les deux premières années, on a avancé tranquillement, avec seulement Serious Sam comme franchise à notre catalogue. La décision de lancer une branche cinéma l’an dernier était à cette époque basée sur ma propre expérience en tant que cinéaste. En voyant l’état de la distribution pour les indépendants, on s’est dit qu’on pouvait améliorer les choses, être plus accessible, plus transparent, et offrir plus de soutien aux auteurs. Nous sommes aussi très optimistes sur le fait que si les gens voient désormais au-delà des blockbusters pour trouver et soutenir des jeux indés, ils pourront aussi apprécier un cinéma indépendant venu du monde entier. Ces artistes ont vraiment besoin d’une communauté de soutien comme elle existe dans le jeu vidéo, et les plus grosses plateformes de jeux avec une offre cinéma pourraient devenir un élément décisif à l’avenir. Les consoles font déjà plutôt un bon boulot sur ce terrain, mais je crois qu’avec celles sur PC, qui vont commencer à diffuser des films à partir de cet été et à l’automne, Devolver peut vraiment faire la différence.

 Votre offre est presque entièrement numérique – même si certains de vos films sont diffusés en salles, ils le sont aussi simultanément en ligne. En quoi ce changement de paradigme dans la distribution traditionnelle est-il une opportunité ?

Pour les indés, il n’y a maintenant plus de circuit de distribution traditionnel. Comme pour les jeux, la différence principale, sinon majeure, tient désormais avec l’accès au haut débit à l’arrivée de plateformes communautaires à la fois sophistiquées et faciles d’accès. Mais il faut aussi considérer cette explosion de l’Internet comme un virage. Désormais, on peut obtenir presque toutes les biens culturels possibles sur un ordinateur ou n’importe quel appareil connecté. Cela change le rapport de hiérarchie. On est arrivé à une époque où les gens sont capables de trouver tout ce qu’ils veulent par eux mêmes. Ils n’ont plus à attendre d’être nourris par quelques gardiens du temple.

Et comment ce modèle peut-il être aussi celui des salles de cinéma ?

On a pas vraiment d’opinion tranchée sur l’évolution des salles de cinéma. Sinon que leur modèle stagne, et que tout changement est bon. Tous types de modèles peuvent fonctionner (ou pas) pour tous types de films. Aucun modèle unique ne semble être la voie à suivre pour le moment. Des films aussi petits que les nôtres ont besoin de chercher tous les moyens imaginables. C’est à la fois intimidant et passionnant.

Mais comment les convaincre que la diffusion simultanée en ligne n’entame pas leur économie ?

Les salles font face aux même problèmes économiques que nous tous. Je crois qu’elles vont devoir comprendre certaines choses et s’adapter ou bien elles finiront comme les autres commerces balayés par l’arrivée du numérique, et n’auront plus que la nostalgie pour pleurer.

Cette année vous êtes à Cannes pour présenter votre line up. Pourrions-nous imaginer un jour que les films montrés là-bas le soient simultanément sur Internet, comme ça a été le cas pour Film Socialisme ? Est-ce que le prestige du festival, sa façon d’entretenir le mythe du cinéma, ne disparaîtrait pas ?

Ce serait une super idée. Si Cannes est trop ancré dans la tradition et trop soucieux de son prestige pour le faire, d’autres grands festivals le feront, j’en suis sûr. Récemment on a diffusé gratuitement en ligne l’un de nos derniers titres, Good Game, un documentaire sur les joueurs professionnels. On l’a montré sur Twitch, et la diffusion a rassemblé 80 000 vues. Cela aurait nécessité des tonnes de voyages et de festivals pour toucher un tel nombre de spectateurs à travers le monde.

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