Le jeu d’arcade, le vrai, celui auquel on joue dans les salles spécialisées, est mort. L’autre, celui qui finit immanquablement par se voir adapter sur console, ne pète pas vraiment la forme non plus. A une époque où le comble de l’invention vidéoludique se situe entre une soif pathétique d’émuler le langage cinématographique et une distanciation post-moderne à la Metal gear solid 2, le jeu vidéo primitif n’a plus sa place. Comme s’il était considéré comme une relique du passé… Alors qu’il pourrait être le fer de lance de la révolution si certains game-designers se donnaient la peine de le renouveler et oubliaient un instant de jouer les apprentis sorciers-cinéastes.

Certains éditeurs font tout de même de la résistance et tentent d’opérer un retour vers l’arcade. Capcom en fait partie, notamment depuis le très surestimé Devil may cry. Problème : jusqu’à présent le résultat n’était pas toujours à la hauteur des classiques du genre. Evidemment, il y a l’orgasmique Viewtiful Joe qui ne devrait plus trop tarder à montrer le bout de son mini-DVD, l’aboutissement des expérimentations arcades de Capcom. En attendant, on assiste aux répétitions. Chaos legion, donc. Petit beat’em-all qui ne paye pas de mine mais sur lequel on aurait bien misé notre tête dans le genre pendant bourre-pif au shoot-cheap-mais-jouissif P.N.Ø3. Les deux jeux partagent d’ailleurs ce même design monochromatique et je-m’en-foutiste, futuriste pour l’un, gothique-fantastique pour l’autre. Malheureusement, si P.N.Ø3 était sauvé par une jouabilité aussi perfectible que novatrice, Chaos legion, de son côté, ne propose rien qui puisse transcender l’apparente pauvreté de son esthétique. C’est un beat’em-all classique, dont le scénar’ mystico-apocalyptique s’inspire d’un manga dont on n’avait jamais entendu parler. On y incarne Sieg, un teuton rouquemoute poseur, poursuivant une caricature de méchant japop -longue chevelure argentée, mysanthropie condescendante- répondant à l’impayable patronyme français de Victor Delacroix (sic). De ruines désolées en cathédrales décaties, notre héros va devoir se frayer un chemin en massacrant quelques centaines de démons métallorganiques avant de pouvoir affronter sa Nemesis frenchie. Pour le soutenir dans son harassant génocide, Sieg peut invoquer des bestioles vindicatives, les « legions » du titre, qui pourront combattre à ses côtés. Variées -des classiques épéistes aux kamikaze qui se précipitent sur les ennemis pour exploser-, évolutives et plus ou moins indispensables selon le type de monstre rencontré. C’est LA petite touche d’originalité du jeu, ce petit côté PokéGoth dont on se serait largement contenté pour plonger, avec délice, dans les affres d’un beat’em-all compulsif et défouloir.

Malheureusement, une fois de plus, les concepteurs du jeu n’ont pas voulu assumer jusqu’au bout leur concept arcade. Après un Devil may cry bâtardisé par des relents de survival-horror, Chaos legion tente maladroitement de surfer sur le succès de Dynasty warriors. Une petite touche de stratégie guerrière, mais dans des zones bien plus limitées que les immenses champs de bataille du jeu de Koei. La plupart du temps, il faudra faire tout son possible pour détruire une cible particulière, une sorte de généralissime amorphe, âprement défendu par des hordes d’insectoïdes nettement plus coriaces. Le jeu n’en demeure pas moins linéaire et répétitif et, en contrepartie, il perd énormément en dynamisme. D’autant que les monstres sont parfois un peu longuets à trépasser à la seule force de l’épée. Entre la relative lenteur de Sieg et un gameplay qui pousse le gamer trouillard à laisser combattre ses legions, Chaos legion apparaît souvent trop mou, ce qui est plutôt fâcheux pour un beat’em-all. Nous, ce qu’on voulait, c’est déchiqueter du démon en masse, bouffer des polygones monstrueux par milliers, se repaître d’un massacre orchestral. Evidemment, Chaos legion est encore loin de la balade de santé gentillette. Mais dans le genre beat’em-all orgiaque et primal, c’est une fois de plus un coup dans l’eau.