Petite mail-interview de Jason McNeely et Dan Matz, les deux co-fondateurs de Windsor For The Derby, meilleur groupe kraut-wave de la rentrée rock 2004.

Chronic’art : We fight ’til death (WFTD) pourrait être l’autre nom de Windsor For The Derby (WFTD) ? Avec un de vos side-projetcs, I Love You But I Chosen Darkness, il semble que vous aimez entretenir la confusion entre vos noms de groupes et les titres de vos chansons…

Jason McNeely : C’est intentionnel la plupart du temps…

Dan Matz : Les noms ont toujours été durs à trouver pour nous. On n’a jamais voulu donner un nom à notre projet musical, mais il le fallait bien, ne serait-ce que pour les maisons de disques. Après avoir trouvé Windsor For The Derby, nous pensions que le temps nous ferait aimer ce nom, mais ce n’est toujours pas le cas. Alors, nous avons songé changer de nom à chaque nouvelle sortie de Windsor For The Derby : We ‘ve Found The Devil, We Fuck Til Dawn, ou Why Force This Day sont nos autres noms de groupe préférés… Tu es pour l’instant le premier à avoir remarqué ce jeu de mots.

On cite généralement à votre propos New Order, Joy Division ou Can. Après dix ans de carrière, ressentez-vous encore ces influences ou sont-elles complètement intégrées ?

Jason : Je suis très content de faire des disques depuis aussi longtemps et d’être toujours excité par les disques des autres. Bien sûr que nous sommes toujours influencés, c’est même la raison pour laquelle nous faisons de la musique.

Dan : Je continue de ressentir l’influence de tout ce qui m’entoure, qu’il s’agisse de musique ou d’une ballade dans le parc. Je crois qu’il n’y a pas moyen d’y échapper. J’ai grandi en écoutant New Order, Joy Division, Can, et à une époque, je voulais sonner comme ces groupes. Ca ne me pose plus de problème, car on n’a finalement jamais réussi à sonner comme Can, ni comme Donna Summer, mais plutôt comme une sorte de morphing raté des deux.

Le beat, la pulsation qui rythme vos morceaux est presque un élément de dance-music. Que pensez-vous de la musique de danse ? Et quel rôle voulez-vous assigner à la répétition dans votre musique ?

Jason : La répétition est habituellement le feeling le plus naturel pour nous… A chaque fois que j’essaie de les appliquer à une de nos chansons, les structures pop normales ne sonnent pas justes pour moi. En général, nous avons besoin de subtiles transitions et de beaucoup d’espace pour achever ce que nous avons commencés.

Dan : Cela va avec nos influences. Nous voudrions vraiment que les gens dansent pendant nos performances publiques. Nous travaillons actuellement sur deux maxis de dance-music pour Secretly Canadian que nous espérons efficaces et réussis, sous ce point de vue. Sinon, la répétition est juste une partie de notre formule : nous avons tendance à composer nos morceaux parties par parties et nous jouons souvent très longtemps chaque partie avant de lui attribuer sa place dans le puzzle que constitue chaque titre. Elles nous semblent à nous parfois très courtes, mais la plupart des séquences contribuent au caractère répétitif des morceau.
Etes-vous un groupe intellectuel ? Vous avez utilisé le titre de Deleuze, Difference et repetition, pour intituler un de vos albums, et vos disques ressemblent à des concept-albums (le dernier, avec la figure de l’oiseau en background, semble développer une narration avec un début, et une fin –Flight)…

Dan : J’avais pendant un temps un projet intitulé « Birdwatcher » et je crois qu’un peu de cette figure de l’oiseau flotte inconsciemment autour de Windsor For The Derby. On essaie de faire de chaque album un concept-album. On veut qu’il y ait une unité qui coule à l’intérieur de chaque disque, et entre tous les disques que l’on produit. C’est très important pour nous en tant qu’artistes ou auditeurs. Grâce aux lyrics, c’est encore plus facile de dessiner des traits communs à l’intérieur d’un album.

Chaque nouvel album montre une évolution, depuis les drones instrumentaux de vos débuts jusqu’aux véritables chansons d’aujourd’hui, et une révolution (chaque nouvel album est différent du précédent). Vous ressentez le besoin de ne pas vous répéter, de re-créer le groupe à chaque nouvel album ?

Jason : Absolument !

Dan : Définitivement. Je n’ai jamais voulu faire un de ces groupes qui laissent tomber la musique après avoir sorti trois fois de suite le même album. La réinvention est la clé de chaque forme artistique et nous en sommes conscients.

Quelle musique écoutez-vous ces jours-ci ? Que pensez-vous de (juste pour savoir) Wilco, Interpol ?

Jason : Oui, j’aime bien Interpol, je n’aime pas Wilco. J’ai beaucoup écouté récemment Charles Caldwell et les Swell Maps. Je suis très fan aussi du disque de Julie Doiron, Heart and crime

Dan : J’aime beaucoup les albums de mes camarades de labels, Anthony And The Johnsons, The Impossible Shapes. J’écoute aussi le nouvel album de Björk, The Broken Social Scene ou Townes Van Zandt.

Est-ce qu’on peut faire un rapprochement entre votre longévité dans le rock indé US et le titre de l’album We fight ’til death ? Est-ce que vos chansons parlent aussi de votre activité de musiciens ?

Dan : Je pense que ça parle du fait d’être un artiste en général. A moins d’être un artiste commercial, en Amérique, il faut travailler à côté de son activité artistique. Alors je jongle entre différents jobs et la poursuite de mes besoins créatifs. C’est quelque chose que je ne pourrai jamais arrêter, parce que c’est en moi et j’ai besoin de le sortir… Les gens sont étonnées que je puisse fonctionner dans ces deux mondes séparés, mais je ne vois pas de différence avec ce que la plupart d’entre eux font. Il y a des gens qui jouent au golf, moi j’écris des chansons.

Propos recueillis par

Lire notre chronique de We fight ’til death