Tête de l’art a infiltré pour vous les coulisses de NPA, cette vitrine de Canal +. Où l’on s’aperçoit que l’émission au ton délié et bon enfant requiert une organisation de fer et un personnel impressionnants. Et que l’ambiance est toute différente de celle que l’on sent bien au chaud chez soi.

Ca y est, ça va commencer, tout le public est en place sur les banquettes blanches si rapprochées les unes des autres que l’on est forcé, à moins de faire 1 mètre 02, d’essuyer ses semelles sur le pull de celui qui est juste devant vous. Les consignes ont été données, heureusement ici pas de chauffeur de salle comme sur TF1. Néanmoins, on est prié de respecter certaines consignes : « C’est quand même du direct les cocos ». Alors pas de bras qui se lèvent de façon intempestive, pas de grands signes du style « Maman je suis là, tu me vois ». On se contente d’applaudir à tout rompre lors de chaque annonce ou d’un bon mot. Et surtout : on ne parle pas pendant le direct (d’ailleurs, l’expérience prouvera que tout le monde murmurant à son voisin, on n’entend presque rien de ce qui se dit sur le plateau, tant les micros sont bas). Bon c’est pas le tout. Alors que Lol et son groupe commencent sérieusement à nous casser les oreilles avec leurs riffs appuyés, Philippe Vecchi (garçon propret et encostardé) et Alexandre Devoise (Yul Brinner de sarcelles) déboulent, sous les vivats.

Ils reçoivent ce soir-là Danny Boyle, qui vient présenter, contraint et forcé, son petit dernier, A life less ordinary, pourtant assez pâle et banal. Devoise et Vecchi s’extasient (« Cameron, elle est bonne quand même ? Je veux dire comme actrice…Ah ah ah « , le genre de choses qui ne se tente généralement plus lorsqu’on a encaissé la plus grosse partie de sa puberté). On mate les extraits. Sur le plateau, les techniciens s’affairent, il faut tout préparer pour la suite, la scène mobile pour Alabama 3 (que votre serviteur a rencontré, et auquel le clavier fringué comme le taré du Silence des agneaux, le reconnaissant, envoie depuis sa chaise roulante, pour cause de jambe plâtrée, un gros bisou vicieux), cette énorme caméra-grue qui filme de haut la table des beaux parleurs et qu’il faut manipuler à pas moins de trois. La productrice s’excite dans son oreillette : « Mais où sont passées les petites bouteilles d’eau? Ca arrive, non ? »). Finalement, tandis que Devoise dégoise et que D. Boyle s’en sort comme il peut (encore la maudite oreillette !), Alabama 3 déboule sur la scène et harangue le public qui ne comprend rien (16 ans de moyenne d’âge à peu près, si l’on excepte le couple soixantenaire qui, tout ému d’être à la télé, se demandait si oui ou non, Philippe Durand porterait des chaussettes).

La première partie est déjà terminée -mais nous on commence à avoir sérieusement mal au dos-, et pendant qu’on déroule les pubs, Durand fait son apparition, prend un petit bain de foule (« Mais oui, les gars, j’en ai des chaussettes, c’est l’hiver, il fait froid »). Drôle de plateau ce soir : Jean-François Bizot (fondateur d’Actuel en promo pour son almanach) devise tranquillement avec l’exaspérant Ariel Wizman (ancien porteur d’eau du même Bizot), Catherine Ringer, venue promotionner la sortie de la compile Jazz à Saint-Germain, essaie de tenir à près droite sur son fauteuil (commentaire dans les gradins : « T’as vu, putain, elle est déf’ de folie ! Eh, c’est pas elle qui jouait dans des pornos ? » et n’hésite pas à faire quelques mouvements de langue lascifs en direction de ceux qui venaient d’effectuer ces pertinentes remarques. La tension monte un instant, puis retombe (sauf pour la myriade des techniciens du plateau qui s’affairent toujours comme de beaux diables), Durand parle de l’Afrique avec Bizot, Ringer tente de garder les yeux ouverts mais ne peut s’empêcher de rejeter la tête en arrière, on arrive tout doucettement à l’heure de la météo et du rugissement massif qui accompagne l’arrivée de Cécile Simeone (commentaire : censuré). A l’applaudimètre, il n’y a pas photo avec Anne de Petrini tout à l’heure chez Devoise/Vecchi, qui arborait pourtant une tenue à faire perdre toute contenance et convenances. Journal avec la ténébreuse Daphné -ça n’a pas l’air d’être le grand amour avec Durand, ils montrent même l’un envers l’autre une politesse suspecte-, un grand coup de pub à nouveau « attention aux câbles, putain, les câbles, gaffe à la caméra le premier rang, rangez les guibolles! » et hop, PPD.

Il n’a pas l’air en grande forme, le grand mou, quelques sourires s’esquissent bien (mais d’où vient donc que c’est nettement plus drôle sur le petit écran qu’en vrai ?), mais bon, c’est visiblement pas un grand soir. Après çà, Durand tente de faire comprendre que Will Self est un grand écrivain, mais comme il est pas en J’ai Lu, les minutes passent avec pour seul murmure : « Qui c’est celui-là, il nous gonfle… ».

Second épisode musical du début de soirée, la Ringer, toujours chancelante, s’en va nous chanter du Boris Vian (« Ouais, en fait elle est même pas bien moulée, salope ») avec des musiciens de jazz au milieu desquels est assis Archie Shepp, himself, que Durand peine à présenter -ce qui a fait bondir J-F. Bizot, qui est tout de même plutôt cultivé. Tout le monde attend Moustique, puisque c’est vendredi. Il est en fait la vraie star de l’émission, il rigole avec tous, ne se prend pas au sérieux, taquine les techniciens qui installent sa mini-guitoune de présentation. Durand lui-même ne peut que rire jalousement de ses interventions où le sérieux le dispute au loufoque, et pan ! C’est fini.

Sautant vers la sortie, la foule n’a qu’une envie, sortir et revenir à la vraie vie (« Vas-y, pousse-toi, faut qu’je prenne le train, moi »), Durand est abandonné à son fauteuil comme une pauvre marionnette, va falloir attendre lundi prochain.