OPUS N°1 : Cartes Blanches aux auteurs
samedi 16 octobre 1999, 16h

Wajdi Mouawad lit Rêves, sa dernière pièce. Déjà portée à la scène, elle est jouée depuis quelques mois déjà au Québec et ailleurs. Mais ici, c’est à une lecture que nous assistons. Lecture fragmentaire, l’auteur ayant pris soin de tailler dans son texte pour entrer dans le format – une heure environ- de ces « Cartes Blanches aux auteurs » que donne Théâtre Ouvert (en partenariat avec France Culture). Contraintes auxquelles ont dû se plier les autres auteurs venus les jours précédents : Philippe Minyana, Eugène Durif et Jean-Christophe Bailly.

Wajdi Mouawad est à l’honneur en ce moment : sa pièce Littoral sillonne durant tout l’automne les routes de France (après avoir été jouée à Avignon, puis à Malakoff). L’auteur -québécois d’origine libanaise- a tout d’abord été comédien, avant d’écrire, puis de mettre en scène et parfois de jouer ses propres textes, comme par exemple le monologue ALPHONSE ou les aventures extraordinaires de Pierre-Paul-René, un enfant doux, monocorde et qui ne s’étonne jamais de rien (publié en 1996 par Leméac Editeur).
Pour le spectateur, l’intérêt de ces rencontres va au-delà de la simple découverte de textes inédits : les écrivains, parfois peu doués pour parler en public ou pour jouer la comédie, lisent eux-mêmes leur œuvre.
Dans le cas de Wajdi Mouawad, l’auteur étant lui-même acteur, sa lecture – passionnée – était une « vraie » lecture, avec un talent de comédien évident qui soulignait les rythmes de la langue et ses différents tons. Pourtant… tout n’est jamais si simple… notamment quand il manque une page… et que la panique du comédien devient celle de l’auteur, non devant la page blanche, mais devant la page disparue… L’auteur lit avec beaucoup de conviction, d’énergie et de passion, son texte, découpé en « hurlements », tourne une page, nous cloue sur nos fauteuils, tourne une autre page, s’arrête, les yeux hypnotisés par les caractères apparus sur la nouvelle feuille, revient à la précédente, tourne une nouvelle fois. Le temps s’est arrêté en pleine montée dramatique. Attente. La voix un peu fébrile, incrédule, Wajdi Mouawad dit qu’il lui manque la page 37. Moment de trouble, de vertige ; l’équipe du théâtre tente de dédramatiser en cherchant le manuscrit afin de retrouver cette fameuse page… Manuscrit introuvable, lui aussi… Bref, Wajdi Mouawad se met à résumer la partie manquante, particulièrement poétique et métaphorique. Il dira ensuite que cette page était, de la pièce entière, celle qu’il préférait. Il parle bien, sans emphase, sans prétention, avec intensité et simplicité. Pour le coup, on le remercierait presque d’avoir égaré ce feuillet ! Ce petit accident a, paradoxalement, enrichi la séance… Fragilisant la lecture, il a mis le spectateur dans la confidence.
Puis, formidable intérêt de toutes ces lectures : l’auteur parle, répond, discute avec le public à propos de son texte, de son parcours, de ses projets.
Rêves viendra aux prochaines Francophonies de Limoges et, on l’espère, dans de nombreuses autres villes. Restez connectés !

Cette saison, la programmation de Théâtre Ouvert -outre les lectures « cartes blanches »- s’axe particulièrement sur François Bon, et plus généralement sur les écritures romanesques et théâtrales : celle de François Bon, mais aussi de Jacques Serena ou Emmanuel Darley.

OPUS N°2 : François Bon / auteur associé
samedi 23 octobre 1999, 16h

François Bon lit Pour Koltès, une intervention*, texte inédit écrit sur l’œuvre de Bernard-Marie Koltès. Cette lecture entre dans le cadre de la programmation voulue par « l’auteur associé » et comprend essentiellement des lectures « de et par », et des rencontres avec des écrivains.

A l’évidence, pour François Bon, le choix de Koltès vient d’une grande connaissance de son l’œuvre, mêlée à une Reconnaissance et à un grand attachement à cet auteur. Malgré tout, l’exercice est ardu pour les spectateurs. François Bon lit, très rapidement, un texte -long- sur la langue de Koltès, sur son rythme. Le texte se révèle très technique et assez compliqué ; il faudrait peut-être le lire soi-même, seul, lentement. Cependant, par moments, François Bon, ayant sans doute conscience de la difficulté, lève les yeux de son pupitre et parle, directement, sans filet, pour dire, autrement, les nombreuses idées que l’œuvre de Koltès lui a inspirées. Et c’est peut-être lors de ces quelques minutes que passe le mieux son amour pour l’écriture de cet auteur disparu il y a dix ans… Sans parler de l’accident (et oui, encore un !) qui a donné une certaine poésie à cette lecture. Dès les premiers mots, derrière lesquels on sent poindre une certaine nervosité, François Bon fait quelques mouvements maladroits, veut placer sa montre en évidence afin de ne pas trop dépasser ses quarante-cinq minutes d’intervention (elle doit être suivie d’une lecture par deux comédiens, Rodolphe Congé et Alexia Monduit, d’extraits de lettres et d’une pièce inédite de Koltès) : la montre glisse, tombe, se casse. L’accident, finalement assez minime, est intéressant en ce qu’il conditionne la lecture en elle-même : François Bon s’arrête, bredouille que la montre est cassée et qu’il va quand même essayer de faire court. La lecture, entrecoupée de digressions, a duré près d’une heure trente…
C’est l’un des charmes de Théâtre Ouvert : un point de départ passionnant, sur lequel vient se greffer l’inattendu. Ce qui est étonnant, ça n’est pas l’anecdote elle-même, mais plutôt le fait que dans ce lieu, le moindre incident devienne un élément poétique de la rencontre.

* Cette lecture sera diffusée, en partenariat avec France-Culture, le 6 novembre prochain, lors d’une « Radio libre » de Lucien Attoun consacrée à Bernard-Marie Koltès.

Théâtre Ouvert Jardin d’hiver
4 bis, cité Véron – Paris 18e
Renseignements : 01 42 62 59 49

Prochains rendez-vous à Théâtre Ouvert :
Le 22 novembre à 18h30 avec Pierre Michon et Olivier Cadiot, pour une rencontre animée par François Bon sur le thème : « Quels terrains vierges construire aujourd’hui à la prose et comment y écrire ? ».
Suivront en novembre, décembre et janvier des rencontres avec d’autres artistes qui s’interrogeront sur l’écriture (certains sont d’abord romanciers) et le théâtre : Jacques Serena, Leslie Kaplan, Valère Novarina, Olivier Py, Emmanuel Darley, Joris Lacoste et Tanguy Viel.
Avant le chantier n°11 (janv. 2000) consacré à Gouaches de Jacques Serena et mis en espace par Joël Jouanneau, vous pourrez voir Meurtres hors champs, d’Eugène Durif (du 12 novembre au 4 décembre 1999).
A lire : Alphonse, Les mains d’Edwige au moment de la naissance et Littoral de Wajdi Mouawad, aux éditions Leméac (avec Actes sud-Papiers, pour Littoral).
Et, Parking, Calvaire des chiens, etc. de François Bon, aux Editions de Minuit et aux Editions Verdier.