Charmants nerds du rock compliqué, la fratrie Matthew / Eleanor Friedberger venait en remettre un couche le 23 septembre 2009 à la Maroquinerie (Paris), à l’occasion de la sortie de « I’m going away », huitième merveille de disque-concept (lire notre chronique, ainsi que notre entretien). La claque. Gonzo-report #2.

Arrivé à 19h30, avec presque une heure d’avance, sur les lieux où allait se produire l’exploit d’un concert haut en couleur, je trouve une Maroquinerie presque pleine, et pour profiter de l’air frais de la terrasse, traîne négligemment près de la table où Matthew Friedberger mange un steak et boit du vin. A quoi ressemble un grand musicien quand il mange ?, m’étais-je longtemps demandé. Maintenant, je sais. A quelqu’un de concentré.

Eleanor passe également, rapide dans les allées, les mains dans les poches de sa petite veste cintré en jeans. Elle a déjà ce regard décidé et précis qui rend ses yeux brillant lors des sets.

Mais assez traîné, il est temps de descendre à la cave (ou plutôt dans la salle) pour écouter les petites fées lutines de Nite Jewel qui jouent de la pop stratosphérique au clavier. J’ai l’impression d’entrer dans un bain tiède. Charmantes est le mot qui revient le plus souvent pour les qualifier, quant à leur musique c’est juste de l’enfance, encore maladroite, pas toujours convaincante, il y a de la réverb’ dans tous les coins, parfois on a envie de dire « aïe » tant il y a de fausses notes mais l’intention est là. Les petites sont musiciennes et c’est jolie une musicienne. Surtout accompagnée d’un baby-sitter qui joue de la basse.

Ensuite, retour sur terre pour une pause clope où je réfléchis à la beauté de l’ombre de mon pied gauche contre le bord du trottoir, et me réjouis d’avoir atteint ce point merveilleux qui était mon ambition : écrire une chronique de rock dans un journal. Je suis tellement enthousiasmé par l’idée d’écrire sur les Fiery Furnaces, que je m’offre une deuxième bière. Hou ! C’est mieux qu’à mon anniversaire !

Mais voilà qu’arrive ce à quoi je ne m’attendais pas. Les Fiery Furnaces sont juste géniaux, brillants, leur maîtrise de l’instrument, des ruptures de rythmes, l’aisance sèche d’Eleanor qui ressemble à la Patti Smith grande cuvée font de véritables miracles sur scène. Matthew couve sa soeur du regard, et malgré une maladresse corporelle, ce grand type un peu voûté, aux joues rouges multiplie les expérimentations soniques. Beaucoup plus rock que sur album, le groupe enchaîne les titres, et fait exploser ses propres compositions qu’il revisite avec bonheur. Par instants, je me retrouve comme de nombreux admirateurs du groupe dans la salle, presque subjugué, je trépigne, je dansotte sur mes deux jambes, j’ai chaud, je transpire, et j’écoute captivé. Les Fiery jouent essentiellement leur dernier album que j’ai encore peu écouté. Et je me dis que je suis en train de vivre une page d’histoire. Un peu comme si j’avais eu la chance de voir Sonic Youth dans une petite salle, ou les Pixies à la Cigale, avant les grands concerts du Zénith.

Certains puristes pourtant trouveront à redire : d’après eux le jeu plus subtil sur disque manque de claviers et Matthew, bien qu’excellent guitariste, possède surtout un grand touché au piano. Contents quand même, moins amoureux que moi du groupe, mais tout de même avec une sacré banane et des ronronnements dans la voix : ils sont grands.

Dernier point, le concert dure juste le temps idéal. La tension ne se relâche pas, quand pourrait venir la fatigue, les décibels se calment et le groupe s’en va, sûr de son talent, avant de revenir pour deux titres en rappel, qui finissent par passer le balai sur les dernières réticences s’il y en avait.

Le reste n’est pas très important, ou plutôt si, ça le fut important, mais c’est privé les soirées alcoolisés avec des femmes russes saoules qui luttent pour qu’on respecte leur pays, surtout quand le lendemain on a rendez-vous avec un notaire.

Lire notre chronique de I’m going away, ainsi que notre entretien avec Matthew Friedberger