C’est dans le désordre organisé, en fluctuation permanente, que le peintre du 21e siècle prend ces marques. Miguel Chevalier, artiste multimédia, illustre parfaitement cet état de fait. Ébauche d’un art urbain, forcément numérique…


« L’atmosphère, la communication, les marchés financiers, la technologie sont des systèmes complexes en fluctuations permanentes » affirme Miguel Chevalier. Pourquoi l’art, sensé refléter son époque, devrait-il échapper à ces notions de mouvements inhérentes à cette société de l’info numérique, volatile et surabondante ? « Tout a été dit avec la peinture. Il faut élaborer une nouvelle forme d’art qui passe nécessairement par les nouvelles technologies ». Adepte de la théorie du chaos et du recyclage, l’artiste n’a fatalement pas attendu que les écoles d’art intègrent l’outil informatique dans leurs formations pour apprivoiser le mulot. Depuis, son travail prend des formes diverses et multiples, combinant toute la palette des types d’images possible : fixes ou en mouvement, bidimensionnelles ou tridimensionnelles, réelles ou virtuelles, maîtrisées ou totalement aléatoires… Forcément, notre homme s’intéresse de très près aux fractales de Mandelbrot. « La rationalité euclidienne est abandonnée, plus rien n’est prévu ou programmé. Nous créons de la complexité, de l’infiniment petit à l’infiniment grand tout en conservant les mêmes structures ».

A l’image des grandes villes dont il compare souvent l’évolution exponentielle : « J’aime les mégalopoles, elles sont nées d’éléments simples pour se complexifier au fil du temps. Mexico (sa ville natale), New York, Tokyo et Paris me fascinent… ».
Complexité, modernité, et technologie, c’est le triptyque gagnant qui régira son nouveau projet. Début octobre, l’artiste présente « Périphérie » à l’Espace Pierre Cardin, une installation interactive conçue avec Emmanuel Berriet (développeur), Bruno Liance (architecte) et Gérard Hourbette (musicien/compositeur du groupe Art Zoyd). « Autrefois, des remparts délimitaient les villes pour les protéger des assaillants venus de l’extérieur. En cette fin de 20e siècle, quiconque veut entrer dans Paris intra-muros doit franchir le périphérique ». Partant de ce constat, révélateur d’un principe urbain générique lié à toutes les mégalopoles, il a filmé de jour et de nuit, de long en large, la frontière de macadam qui sépare Paris de sa banlieue. Le film sera projeté en 360° sur un tiers horizontal de trois écrans cylindrique « Avec ses gigantesques enseignes publicitaires et logos lumineux, la boucle du périph’ sert aussi de vitrine aux grandes entreprises, et son trafic est une belle métaphore des autoroutes de l’information sur lesquelles des flux continus s’écoulent 24h/24, mais qui, selon les heures de la journée, deviennent un espace de saturation, d’embouteillages, d’accidents et de conflits… ». Sur les deux tiers restants s’afficheront des architectures imaginaires en « fil de fer ». Une interface au sol permettra au visiteur d’interagir sur ces effets de transparence. Une immersion dans la ville régie par le flux irrégulier mais incessant du… réseau !
« Je ne fais pas l’apologie du monde numérique, mais l’art a toujours été en adéquation avec son époque » soutient Miguel Chevalier. Gageons que ces quelques strates fin de siècle sauront en témoigner…

« Périphérie »
Du 8 au 17 octobre 1998 à l’Espace Pierre Cardin
1/3 avenue Gabriel – Paris 8e
(tous les jours de 10h30 à 19h)

Miguel Chevalier sur la Toile
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