Le Reality Festival est le premier festival international d’art spécialement consacré aux mondes virtuels : Pluridisciplinaire / Transversal. Le Reality Festival accueillera, du jeudi 30 octobre au dimanche 2 novembre 2008 une exposition, des performances, des conférences, des événements musicaux. Chronic’art, partenaire de l’événement, a interrogé les artistes dont vous pouvez découvrir les oeuvres pendant toutes la durée du festival au Door Studios à Paris*.

Camille Bovier Lapierre & Paul Coudamy présentent Spectre : au détour d’une rue, un homme attend… puis vient une apparition lumineuse. Pas vraiment un être humain, plutôt une image humaine. Incrusté dans le mur cet homme n’existe pas, pourtant ses attitudes sont bien réelles. En roue libre, la fiction travaille toute seule et évoque la représentation d’un inconscient de la ville. Ou peut-être un avatar potentiel, une projection d’un dédoublement fictif d’une personne à la frontière du monde réel ?

Chronic’art : Pourquoi avez-vous accepté de participer au Festival Reality ?

Camille Bovier Lapierre : Je fais parti d’Elegangz en tant que réalisateur de pub et clip et ce genre de projets parallèles a mon activité principale est l’occasion de tenter des nouvelles idées. J’ai déjà travaillé avec Paul Coudamy sur une installation interactive il y a deux ans : sur L’Homme rose, et quand il est venu me voir pour ce projet pour le Festival Reality, j’ai tout de suite accepté. Ce festival est l’occasion de sortir des réunions interminables, des plannings, des packshots et autres subtilités de la publicité. C’est une respiration.
Paul Coudamy : C’était l’occasion de venir transgresser la vision dans laquelle s’est laissées enfermé la notion de « virtuel », qui pour moi renvoie plus à l’imagination qu’à un écran d’ordinateur et une sourie. Se référer à Gille D. et Pierre L. sur la question, cette question de la définition du virtuel, sera l’occasion d’une conférence avec l’architecte Grégoire Diehl.

Pouvez-vous nous dire deux mots sur votre oeuvre ?

Paul Coudamy : L’idée de ce dispositif est de brouiller le concept de film avec sa « re-projection » . Dans la rue, l’acteur sort de son écran pour réapparaître dans le réel. La surface de la pierre devient image ; le personnage incrusté dans le mur acquiert une réalité matérielle. L’abolition des limites du cadre de projection libère les images de leur support, le film refait sens sur les murs de la ville. La rue devient un nouveau cinéma qui abrite une nouvelle histoire, une position hybride entre le théâtre et le cinéma. Mais ce renversement ne s’arrête pas là car l’homme projeté à une certaine échelle joue avec l’environnement physique dans lequel il prend vie ; le cadre urbain et ses actes sont intimement liés, ils se rapproprie la relation de l’acteur dans un décor. Cette ambiguïté viens également remettre en cause la notion de spectateur : les passants regardent une image qui les regarde. L’installation fonctionne comme une superposition d’une deuxième « couche fictionelle » ajoutée à la première, il s’opère une relation en boucle entre spectateur, le personnage fictif et la rue dans laquelle il se trouve. Le dispositif cherche à générer une imagerie de la réalité, le film devient une empreinte d’une personne potentiellement existante, une mémoire fantomatique : c’est le spectre d’un être numérique échappé du virtuel pour venir hanter le monde physique.
Camille Bovier Lapierre : Tous les rôles sont tenu par Paul pendant que je m’occupe de la mise en scène. Nous avons écrit les scènes ensemble en essayant d’imaginer les interactions possibles avec les murs sur lesquels nous souhaitions projeter.
Paul Coudamy : Nous avions besoin de camoufler notre système de projection pour ne pas attirer l’attention. Il devait aussi être mobile pour pouvoir choisir au hasard nos murs de projection. Nous avons donc choisi la poubelle verte de tous les immeubles parisiens.

Quelles sont vos influences artistiques, littéraires, musicales ?

Camille Bovier Lapierre : En travaillant épisodiquement dans l’art contemporain, je ne cherche pas a creuser un courant ou une thématique précise. Je pense que l’on pourrait dégager tout de même la volonté de divertir et de surprendre.
Paul Coudamy : Multiples et diverses autant que possible, cela va de John Zorn à Guy Rottier en passant par Masaccio.

Est-ce que l’espace virtuel est devenu prédominant pour exercer votre activité d’artiste par rapport au réel ?

Camille Bovier Lapierre : Mon activité artistique ne m’a pas permit encore vraiment d’explorer l’espace virtuel. Avec Paul, nous avons au contraire chercher a faire intervenir le virtuel dans le réel. Ce mélange me semble être le plus intéressant.
Paul Coudamy : Avec Spectre, l’approche du Festival Reality sur les mondes virtuel est quelque peu renversé. L’oeuvre n’est plus enfermé dans un ordinateur et le réseau Internet ; ici, le monde virtuel prend vie sur les murs de Paris. Le « Spectre » est un avatar parmi les passants en chaire et en os ; malgré le fait qu’il ne soit qu’une image, il a la taille et tous les comportements d’un quidam. C’est un être virtuel au statut ambiguë : il est à la fois une image, mais il a une existence bien réelle sur les murs de la ville.

Second life, on en parle plus trop actuellement, n’est ce pas un territoire virtuel expérimental un peu dépassé ?

Camille Bovier Lapierre : J’ai découvert Second life sur ce festival avec le genre d’a priori qui fait que l’on peut poser ce genre de question. Apres avoir exploré cet univers un peu plus en profondeur, j’ai réalisé les raisons de cette désaffection. D’une part, cet univers est extrêmement riche et donc difficile a maîtriser. Cela a donc limité l’accès au grand public et fait que la presse s’est désintéressée du sujet. Cette complexité a aussi empêché pas mal de créatifs d’investir l’espace et de le pousser artistiquement. Je trouve qu’il manque souvent une réelle direction artistique à Second life pour le sortir des ornières japonisantes et gothico-moyenâgeuses. J’espère que les oeuvres présentées feront changer les choses.

* Door Studios : 9-9 bis rue Lesdiguières – Paris 4e (Bastille) – www.doorstudios.com

Voir le site du Festival Reality : www.reality-festival.com

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