Après avoir débusqué Insight, Life Long ou encore Fred Ones, l’écurie française Ascetic démarre 2009 en beauté avec Team one inc. du grand Pacewon. Connu aussi bien pour ses divagations au sein d’Outsidaz (« Night life ») que pour ses albums solos (« Won », « Telepathy »…), ce géant du New Jersey se faufile constamment entre mainstream de luxe (les Fugees, Eminem, Redman…) et underground de choc (Madlib, Outsidaz…), sans jamais se laisser plier par ces mondes parallèles. Rencontre avec l’auteur de « I declare war », qui évoque ses embrouilles avec Eminem et également son projet avec Mister Green édité sur Raw Poetics Records. ONE !

Chronic’art : Lorsque tu as posé avec les Fuggees avec Young Zee et Rah Digga, est-ce que Outsidaz existait ?

Pacewon : Non pas formellement. On traînait ensemble, on rimait ensemble et on se partageait les plans. Donc il y avait déjà l’idée d’être une team. Young Zee était le plus avancé à cette époque. Il avait un deal qui l’a conduit à faire un album mais il n’est jamais sorti. Il y avait du monde comme KRS One, Busta Rhymes, Redman… Il y a des morceaux qui traînent sur Internet. L’album était vraiment bon, mais tu sais, des fois, les labels dépensent de l’argent et ils périclitent ou changent de politique sans que ton album ne voit le jour.

Après Fugees, tu as posé aussi sur l’album Malpractice de Redman. Comment ça s’est fait ? C’était une connexion business ?

Non pas du tout. Je connaissais Redman depuis 94, je crois. C’est un mec de chez nous, un mec de Brick City. Ca s’est fait logiquement. C’est la famille New Jersey. D’ailleurs quelques années après, j’ai eu l’occasion de tourner avec Redman et Method. C’était une grosse tournée. Je garde toujours un bon contact avec Redman, c’est un pilier de New Jeru.

Finalement c’est toi et Rah Digga qui êtes sortis les premiers du lot ?

J’ai signé avec Roc-A-Block et Rah Digga a rencontré Q-Tip qui l’a soutenu et il a appuyé sa signature. Tout cela faisait parti d’un plan. Young Zee, après notre featuring avec les Fugees, devait sortir son solo et ouvrir la porte pour les autres. Finalement, il en a été autrement et très vite, nous avons pensé que nous faire connaître en groupe était une bonne chose. Ca a été un long processus.

On a reproché au début à Outsidaz de négliger un peu les beats au profit du rap et punchlines. Tu valides ?

A l’époque, j’étais d’accord sur l’idée que Nightlife était vraiment rap, vraiment axé flows et rimes. Ce que les gens savent moins, c’est que c’est nous qui produisions. L’optique, c’était que le beat serve le rap. En fait, à l’époque, on concevait mal que les rappeurs produisent alors que ça s’est démocratisé. On était peut-être trop en avance.

Dans quel état d’esprit tu as travaillé sur Won ?

Je savais qu’il fallait que cet album soit bon. Il fallait faire un album qui vieillisse bien et dont je puisse être fier, indépendamment du score qu’il pouvait faire. Et en même temps, je voulais mettre toutes les chances de mon côté. J’ai convié Ski sur plusieurs productions. Il avait déjà travaillé avec Jay-Z et beaucoup d’autres. Wycleef, je le connaissais bien puisque nous avions déjà collaboré ensemble par le passé. Je voulais Kurupt. Je suis fan de son travail et je voulais un mec qui parle à l’ouest du pays. Eminem devait être de la partie mais ça ne s’est pas fait.

Il est dans le clip I declare war ?

Oui, heureusement. Il me devait bien ça.

Il était dans Outsidaz et vous aviez déjà travaillé ensemble ?

J’ai rencontré Em. J’ai été le premier dans le groupe a collaborer avec lui. On l’a intégré au groupe et D12 a rejoint nos rangs. Le problème, c’est qu’après avoir signé, il est devenu plus dur à joindre et il n’a pas renvoyé l’ascenseur.

Tu es en contact avec lui ?

Je ne cherche pas forcément à l’être mais on se croise et on s’appelle avec Bizarre. C’est un bon pote. Proof aussi l’était. J’ai souvent parlé à Bizarre sur les points qui m’oppose à Eminem, et il comprend mon point de vue. Ce mec ne nous a jamais aidé, alors qu’on l’a jeté dans le jeu. La première fois que j’ai réalisé qu’il se foutait de notre gueule, c’est quand j’ai vu qu’aucune de ses promesses ne tenait la route, mais qu’il continuait à dire qu’il allait sortir tout le posse Outsidaz sur son label. Au final, il n’y a eu que quelques morceaux sur des compilations, notamment un titre de Young Zee sur le disque de la bande originale de son film 8 mile. Je sais pas si c’est cela que Young Zee attendait. Aujourd’hui, qui sait ce que Young Zee va foutre avec Eminem ? Personne ne capte plus rien à ce bordel. Eminem a juste fait la pute.

Tu es le seul membre des Outsidaz a avoir fait des morceaux ou tu t’en prends à Eminem…

D’ailleurs, il ne m’a jamais répondu, même si je sais pertinemment qu’il a entendu les titres, notamment celui qui a été clippé où je me fous de sa gueule et où je raconte nos expériences respectives. C’était un gars talentueux, mais je pense qu’une fois arrivé là où il voulait arriver, il n’en a plus eu rien à foutre des gens qu’ils l’ont aidé, même s’ils considéraient ces personnes comme des légendes, des héros du rap… Si les autres ne l’insultent pas, c’est peut être parce qu’ils attendent encore quelque chose de lui, ou alors ils n’en ont rien à foutre. Ca ne m’intéresse plus trop, de toute façon.

Young Zee était annoncé comme signature sur Shady Records ?

Oui, comme Outsidaz auparavant, et il ne s’est rien passé ensuite. Là aussi, ça a traîné, et puis finalement Zee a signé sur Runyan Ave. Label de Kuniva de D12. Après, je n’ai pas suivi, mais je crois que là aussi ça a dormi.

Young Zee était annoncé comme signature sur Shady Records ? Qu’est-ce qui a causé la fin de Outsidaz ?

Nous n’avons jamais splitté parce que nous sommes une famille. Mais faire de la musique à neuf, c’est dur, parce que tu ne peux pas trouver un label qui peut nourrir neuf bouches. Après que Ruffnation ait coulé, il fallait se faire une raison. Il était plus facile de continuer chacun en solo, mais si on nous propose un bon budget pour travailler, nous pourrions faire un nouvel album.
Ton premier album, Won, était une réussite. Pourquoi as-tu attendu avant d’attaquer un deuxième album ?

Que ce soit avec Outsidaz ou avec mon premier album, nous avons obtenu des scores très satisfaisants. Nos titres tournaient en radio et les clips jouaient sur BET, mais le label Ruffnation a coulé juste à ce moment-là alors qu’il me développait. Ruffnation a été crée avec Ruffhouse, c’était une jointventure entre Warner Bros et Chris Schwartz. Mais ils ont merdé. Won a bien vendu et puis Columbia a lâché prise et notre label s’est retrouvé dans une mauvaise situation. On a coulé avec le navire alors que nous commencions à récolter les fruits de toutes ces longues années.

Dans quel état d’esprit as-tu fait ton deuxième album Telepathy ?

J’avais des beats et je produisais pas mal à ce moment-là. Je savais que si je ne faisais rien pour faire avancer ma carrière, rien n’allait s’offrir à moi. Le disque a été mal promu, mais j’ai pu faire des concerts et j’ai collaboré avec Morcheeba. J’ai tourné dans le monde entier avec eux. Ce fut une bonne expérience. Mais l’industrie du disque allait au plus mal. Mon disque étant mal distribué, beaucoup l’ont téléchargé.

Peux-tu parler de Team Won et de ta signature chez Ascetic Music ?

Team Won est mon nouveau crew. Il rassemble des beat makers / Mc’s qui ont la dalle. On a fait un premier album. C’est une présentation en quelque sorte qui est constitué de morceaux solo de Pace Won et de morceaux du crew où chacun enchaîne. C’est du pur Mc’ing. Disons que c’est un album solo de Pace Won avec des featurings récurrents. Il y a aussi El Da Sensei de Artifacts et DU de Outsidaz. Je devais sortir Telepathy chez Ascetic Music mais il voulait faire un projet exclusif pour le label. Telepathy était déjà sorti aux Etats-Unis donc on est parti sur une autre idée, et c’est comme cela qu’est né ce projet. Je connaissais Amine et Lotfi pour les avoir rencontré plusieurs fois en France et en Angleterre quand j’étais en tournée avec Outsidaz et Morcheeba. Le feeling est bien passé et on a décidé de travailler ensemble. Pour moi, Ascetic, c’est l’ouverture sur plusieurs cultures et la possibilité de continuer à exprimer ma vision du rap, faire des shows et partager cela avec le public. Signé sur un label implanté en Europe, ça veut dire être développer ici et avoir des antennes dans chaque pays pour que l’album fonctionne bien. C’est important et très rapidement, j’ai compris que le succès dépendait de ton implantation dans chaque pays, ce que les labels américains et les artistes comprennent de moins en moins bien aujourd’hui.

De quoi parlent les morceaux ?

Avec Team, de l’évolution du rap, de hustlin’, des mauvais rappeurs. Sur les morceaux solos, de meufs, de weed. ll y a du story telling… Ca parle de la vie, du quotidien, des jours fastes et des jours sans… Le concept, c’était de retrouver l’énergie du rap, le plaisir de la rime et de la punchline sans faire dans le « politicaly correct ». Sans se prendre la tête. Je voulais retrouver un côté crade, spontané, donc les morceaux avec Team Won sont né comme ça, enregistré live, sans back, sans pouvoir reprendre. Les morceaux solos eux sont par contre plus travaillés mais toujours dans cette volonté d’aller à l’essentiel. Aujourd’hui, le rap devient un produit de consommation où tout est oublié. Les rappeurs ne rappent plus, ne racontent rien, s’autocensurent ou font dans la rime gratuite. Là, avec Team Won, il s’agit de performance, de rimes brutes. Il n’y a pas de superflu.

Cette année est faste, il y a Team Won et l’album avec Mr Green…

Oui, les retours sont bons sur les deux projets et je travaille déjà sur des suites. Ascetic Music et Raw Poetic font du bon boulot. Je serais très bientôt en Europe pour faire des scènes et de la promo en 2009. 2008 n’est que le début de l’invasion et je ne suis pas prêt de m’arrêter. Des fois tu passes plus de temps à trouver les bons partenaires qu’à faire du rap. Là, je me concentre sur la musique et ça fait du bien. Donc attendez-vous à m’entendre.

Toi même, tu produis. D’ailleurs dans Outsidaz, vous produisiez vos beats ?

Oui, nous avons toujours produit des beats pour n’attendre après personne car c’est cher et ça aurait pu nous bloquer à nos débuts, et puis tu es toujours mieux servi par toi même. Par la suite, j’ai composé un crew de producteurs du nom de Team Won et nous avons produit Telepathy et Team won inc.. Par le passé, j’ai beaucoup bossé avec Ski. Là, j’ai sorti un album avec Mr Green, un très bon beatmaker.

Ski, le même gars qui a produit pour Jay-Z, Dead Presidents ?

Oui, c’est ça. D’ailleurs, c’est pas son seul morceau. Il a beaucoup bossé avec Jay-Z sur Reasonable doubt. Il a produit pleins de trucs. J’en ai quelques uns en tête : Politics as usual, In my lifetime, Who you wit, Streets is watching et pas mal d’autres. Il a produit beaucoup pour Camp Lo, Krumb Snatcha, Bahamadia, Li’l Kim, Fat Joe, Foxy Brown… Que du beau monde. Ski avait déjà produit pour Outsidaz The Rah Rah et Don’t look now. C’était une de mes connexions. J’étais signé sur Roc-A-Bloc. Ski et moi avons bossé étroitement. Il a produit prés d’une dizaine de morceaux de mon solo et notamment I declare war.

Qu’est-ce qui t’as donné envie de faire carrière dans le rap ?

Petit, déjà, j’étais sensible à la musique. Mon père collectionnait des disques, donc on écoutait de la soul, du jazz, du reggae. Mais le vrai truc qui m’a mobilisé, c’est La da di de Doug E Fresh et Slick Rick ; je devais avoir 12 ans. On écoutait déjà du rap avec mes frères, mais après ce morceau, je n’avais qu’une envie, c’était de monter sur scène et prendre un micro. J’ai compris que ce n’étais pas aussi simple. Mais j’ai travaillé.

Tu as évolué dans des groupes avant de participer à l’expérience Outsidaz ?

T’essaies des trucs comme tout le monde mais le vrai groupe sérieux, c’était PNS. Il y avait déjà DU qui a intégré Outsidaz avec moi. On était déjà dans un délire de compétition, de battle rythmes et c’est d’ailleurs là qu’on a croisé Young Zee. Il voulait insulter tout le monde, il s’en prenait à tous les rappeurs, surtout les new-yorkais.

C’était en quelle année ?

Je ne sais plus. En 90 ou 91 je crois… On était jeunes, on était encore adolescents. Il a fallu plusieurs années pour que Outsidaz deviennent quelque chose de sérieux. A cette époque, on était au collège.

Propos recueillis par
(Remerciements à Rock Noze & Ascetic)

Lire notre chronique de Team one inc.

Pacewon – Team won (Ascetic Music) et The Only color that matters is green (Raw Poetics Records)
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