A l’occasion de la sortie du nouvel album de Folk Implosion, One part lullaby, rencontre avec Lou Barlow -sans son acolyte John Davis-, songwriter multi-casquettes et iconoclaste modeste.


Chronic’art : Vous avez écrit il y a cinq ans la musique du film Kids de Larry Clark et récemment un morceau pour la BO de A Life less ordinary. Avez-vous vu Gummo de Harmony Korine et qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas vu Gummo, mais j’ai envie de le voir parce que ça se passe après le passage d’une tornade, et la tornade en question, je l’ai vue quand j’étais tout petit ! J’avais très peur des tornades et là, ça se passe tout à côté de là où je suis né et où vit ma famille. J’ai vraiment envie de le voir.

Sur votre site, John a écrit les critiques des disques qu’il aime. Ca va de Missy Elliott à Derek Bailey en passant par Foreigner. Pensez-vous que votre musique reflète l’éclectisme de vos goûts musicaux et si oui, de quelle façon ?

Oui, je pense. Et je pense que John serait d’accord. Par les rythmes, par exemple. Nous sommes influencés par le R’n’B actuel et peut-être par du vieux hip hop.

Donc vous aimez TLC !?

Oui, bien sûr ! J’adore tout ce R’n’B féminin, presque plus que le rap, comme le Wu Tang, les trucs comme ça… J’aime TLC, Missy Elliott… Par contre, notre jeu de guitare est plus influencé par la musique folk assez traditionnelle, et parfois celui de John en particulier par la new-wave années 80…

Imagineriez-vous enregistrer avec Timbaland ?

Oh non, je ne pense pas ! (rires) Je nous imagine travailler avec un gars comme ça, il nous dirait : « vous ne savez pas chanter, vous ne savez pas jouer…! ». (rires)

Vous avez samplé le Requiem pour un con de Serge Gainsbourg. Pourquoi ce choix ?

A cause du rythme, évidemment. Nous avons juste samplé le début du morceau, avec la batterie, c’était l’idée de John. Puis nous avons ajouté des couches de sons par dessus. De nombreux disques de pop française des sixties ont une production vraiment parfaite… Une très belle production, très riche, qui rend le sampling facile…

Pensez-vous qu’un label K7 comme Shrimper pourrait encore naître aujourd’hui ?

Oui, je pense que la culture du home recording, de la K7 est encore très vivace. Ça existera toujours et même encore plus aujourd’hui, grâce à Internet. Je pense que ce genre de communauté de gens s’échangeant et se vendant des K7 et des disques ne cessera jamais d’exister.

Vous dites aimer des vieux jeux comme Pac Man, Centipede, Space Invaders. Est-ce que Folk Implosion pourrait écrire la musique d’un jeu vidéo ?

C’est quelque chose auquel je n’ai jamais pensé ! (rires) J’imagine que ce serait assez facile de le faire… Je ne joue pas aux jeux vidéo et je n’y jouais pas étant jeune, mais maintenant j’aime les vieux jeux, parce qu’ils sont faciles à jouer. J’aime les trackballs ! J’aime Super Mario Bros, des trucs comme ça…

Peut-on dire de Folk Implosion qu’ils font des compositions fortes pour gens fragiles (strong songwriting for fragile people) ?

Oui, j’aime cette idée. Surtout que pas mal de nos chansons sont comme des hymnes… Oui, j’aime cette définition, je ne peux pas mieux dire… On a toujours essayé d’écrire des chansons qui nous permettraient de nous sentir mieux.. Et John et moi… sommes plutôt fragiles (rires) ! Je tourne beaucoup, j’ai acquis un peu de force, d’expérience… Avec John, nous essayons justement de devenir un peu plus forts avec la musique (rires) !

Folk Implosion est un projet de studio. Vous utilisez des rythmes hip-hop, des boucles krautrock et pourtant vous êtes toujours catalogués indie. Qu’en pensez-vous ?

Oui, c’est vrai. Peut-être que c’est ma voix, ou le fait que nous écrivons toujours des chansons, avec couplets-refrain… Et aussi parce que les gens sont très paresseux dans leur description de la musique en général… Il y a tellement de musique à travers le monde, il y a toujours de plus en plus de choix, donc pour que les gens fassent réellement attention à un groupe en particulier, c’est difficile… C’est décevant, mais je comprends ça. Je comprends pourquoi les gens sont si étroits d’esprit ! (rires)

Est-ce que les paroles sont importantes pour Folk Implosion ?

Oui, elles l’ont toujours été. J’écris la plupart d’entre elles, mais John m’aide. Je veux que les chansons reflètent nos opinions. Nous collaborons réellement, que ce soit juste sur l’idée d’une chanson ou sur certains passages bien spécifiques. Mais nous écrivons la musique d’abord, en revanche.

Est-ce que la « vraie » folk music vous intéresse (Dylan, Baez, etc.) ?

Oui, oui. Bob Dylan a beaucoup influencé John quand il était plus jeune. Je ne suis pas sûr de ce qu’est la folk music, parce que pour moi le punk rock est de la folk music. C’est avant tout de la musique pour des gens, de la musique sincère… Je ne suis pas sûr que le fait de maltraiter une guitare sèche fasse qu’on fait de la folk music…

Y’a-t-il un artiste, écrivain, réalisateur ou musicien qui vous inspire particulièrement en ce moment ?

Oh, il y a tellement de choses… Au début John m’envoyait des cassettes avec une face de morceaux et sur l’autre des morceaux qu’il aimait, comme la musique du Troisième homme… Avec ma femme, pour essayer de trouver un titre au disque, nous nous lisions des passages d’Oscar Wilde, c’est tout un mélange… La seule personne qui m’ait jamais réellement influencé -j’aime ses paroles, sa musique, tout- c’est Neil Young. C’est le seul. Ce n’est pas le cas de John mais… C’est toujours un choc pour moi.

Comment avez-vous conçu le site de Folk Implosion ?

C’est un peu un hasard : la personne qui s’occupe des nouveaux médias dans notre maison de disques est en fait quelqu’un que nous connaissons depuis longtemps. John a travaillé étroitement avec lui. Il lui a donné des idées, des images, des sons, et ils ont mis tout ça en place.

Que pensez-vous de ce média, l’utilisez-vous ?

C’est intéressant… Mais je ne l’utilise pas… Pour moi c’est comme un kit presse, pour faire de la pub… En plus, c’est très lent… Ça dépend. Je n’utilise pas d’ordinateur, ni de clavier… Les guitares, les samplers, la batterie sont mes outils. Je n’ai pas besoin d’apprendre à me servir d’un ordinateur… J’ai la trentaine, je joue dans un groupe, la musique, c’est ma vie… Si j’étais plus jeune, je m’y intéresserais probablement beaucoup plus. Je préfère me concentrer sur ma musique plutôt que d’apprendre à connaître les autres groupes sur le Web (rires) ! D’ailleurs, je ne lis plus la presse musicale. Je n’ai pas le temps.

En avez-vous assez des interviews, en particulier de celles qui se terminent par une question sur Dinosaur Jr ?

Les interviews, ça m’est égal, c’est nécessaire. Mais je n’aime pas les relire, je me trouve tellement stupide… En plus ça crée une façon irréaliste de se parler. Ça élimine la vraie conversation… Sinon pour Dinosaur, oui, les gens continuent à me poser des questions mais ce n’est pas grave parce que je suis très fier de cette époque. D’une certaine façon, mon travail avec ce groupe sera probablement la chose la plus influente que j’aurai faite en tant qu’artiste, même si j’étais jeune et stupide ; il y aura toujours quelque chose de très spécial autour de ça… Et on me posera toujours des questions à ce propos…

Propos recueillis par

Lire la critique de One part lullaby, par là pour voir le site officiel du groupe.