Entre une belzébuth et une scéance de body-body au couteau, Baptiste Bucadal zappe sur M6 pour Chronic’art.

J’allume la télé. Je zappe sur la 6. Je tombe sur une nouvelle émission. Loft sory. Qu’est-ce que c’est que cette merde encore ? Benjamin Castaldi, trouffion de bas étage qui se la joue Drucker. Je me dis tiens tiens. Je vais me chercher une Belzebuth au frigidaire. Je choisis un reste de vagin. Une bonne chatte accompagnée d’une Belzebuth, quoi de meilleur pour passer une petite soirée sympa devant son écran ? Pas facile de choisir à vrai dire. Il y en a trois. Les poils pubiens sont encore visibles. Roux. Blonds. Bruns. J’opte pour le vagin aux poils blonds. Celui d’une pouffiasse succulente. Un peu comme celle qu’ils ont recruté pour Loft story. Elle est morte il y a trois jours. J’aimais bien son cul. Un bon petit cul ferme et rondelet que j’ai récuré au Kärcher avant de le découper en petits morceaux. Mais j’ai déjà tout mangé. Quel morfale je fais, putain ! Je grignote devant l’émission. Cinq nanas et six mecs vont être enfermés ensemble pendant deux mois environ dans une maison. Ils seront filmés. Le but de l’émission : permettre aux gens de se rincer l’oeil devant un Hélène et les garçons réalisé rien qu’avec des gens pour de vrai, un panel de jeunes tout à fait dans le vent. Des couples doivent se former. A la fin, il ne devra en rester plus qu’un. Ils gagneront une maison de trois millions de francs. Ces jeunes gens doivent donc chercher un partenaire. Les nanas sont bofs dans l’ensemble. Je ne parle pas des mecs. Et ils sont censés représenter la jeunesse française d’aujourd’hui. Pauvre France. Chez les filles. La bourge. L’écolo. L’allumeuse. La gentille métis. La rigolote. Chez les mecs. Le bellâtre. Le bouffon. L’intello. Le monsieur muscles. Le minet. Le gentil. Un échantillon de trous du cul de notre bonne vieille République. Au secours ! Les qualités requises : le naturel, l’humour, la beauté. Il faut tout ça pour avoir le droit de passer à la télé aujourd’hui. La carotte : une maison. Un abri pour forniquer tranquille. Le rêve de monsieur tout le monde : une maison à soi, un jardin, une voiture, tout ce qui fleure bon l’indépendance et le bonheur. Bonheur de pacotille. Les participants se découvrent. Qui je vais me baiser en premier ? C’est ce que doivent se dire les mecs. Ça crève l’écran. La blonde, Loana ? Elle ressemble un peu à ma blonde à moi. Si les blagues sur les blondes existent, c’est sûrement à cause de ce genre de pétasses. Gros seins. Chevelure flashante. Parfaitement nunuches. Bonnes à baiser, voilà tout. Mais les clients ne sont pas dupes. Pas si cons que ça, finalement, les mecs. Et ceux qui sont derrière leurs écrans, qu’est-ce qu’ils se disent ? Plein de choses. C’est déjà ça. N’est-ce pas l’ambition de M6 ? Faire de l’audience. Rassembler toute la famille devant cette mascarade comme un attroupement de badauds autour d’une piste de cirque ? On en appelle aux instincts les plus bas de l’humanité. Pas bête comme idée. Il faut ça pour exciter les Français. Il faut des jeunes filles et des jeunes mecs se reniflant les parties comme des chiens pour donner un peu de piment à la vie des téléspectateurs. Le vide en spectacle, ça vaut le coup d’oeil ! La guerre, la politique, ça n’intéresse plus personne. Encore mieux qu’un reportage animalier. Et qui sait, aussi bien qu’un film porno. L’idéal, ça serait une partouze. M6 battrait tous les records. Et la France entière se branlerait devant sa télé en s’écriant : c’est vrai qu’ils vont nous faire l’aimer, ce putain de XXIe siècle !

Eric Bénier-Bürckel est l’auteur d’Un Prof bien sous tout rapport, publié aux éditions Petrelle.