Alors que l’informatique vit depuis 20 ans une perpétuelle fuite en avant, certains ont décidé de remonter le courant. On pourrait les qualifier d’historiens de l’octet, d’archéologues du numérique… Ils sont la mémoire, toujours vive, que l’informatique et les jeux vidéo ont peut-être trop vite perdue. A l’heure où l’on ne vit que de PlayStation et de Pentium III, eux vivent d’Amstrad, de Vectrex ou de Pong. Voyage vers les origines des jeux vidéo et vers ceux qui s’en souviennent…

Petit cours d’histoire. Que tous ceux qui sont persuadés que le jeu vidéo commence avec Nintendo se détrompent ! Les loisirs informatiques ont plus de 25 ans. Sans parler des prototypes et des jeux tournant sur les systèmes universitaires, le premier jeu vidéo commercial date de 1972. Il s’agit de Pong, développé par Atari. D’abord développé sur borne arcade, il arrivera très vite en version domestique, cloné à des milliers d’exemplaires. La première console de jeu date également de 1972. L’Odyssey, c’est son nom, n’utilisait aucun microprocesseur, juste quelques circuits intégrés et transistors pour produire des jeux simplistes. Viennent ensuite de grands succès souvent restés dans les mémoires : Atari VCS 2600, Mattel Intellivision, CBS Colecovision… avec des jeux devenus eux aussi des légendes : Pac-man, Space invaders, Donkey kong… 1984 voit l’arrivée des consoles japonaises Nintendo et Sega, qui ne lâcheront plus le marché. La Game Boy débarque en 1989, la Megadrive en 1990, la PlayStation en 1995. Entre-temps, c’est une centaine de machines et variantes qui ont vu le jour.

Les micro-ordinateurs suivent à peu près le même chemin. Des premières machines à monter soi-même au milieu des années 70 à la domination des Pentium, ce sont plusieurs centaines de modèles différents qui se sont succédés dans les rayons des revendeurs. De grands succès comme les Commodore 64, Amstrad CPC, Atari ST ou Amiga, mais aussi des machines médiocres, oubliées dès leur sortie. Qui se souvient aujourd’hui du Squale, du Victor ou du Pencil II ? Personne, sauf quelques nostalgiques…

Portrait de collectionneur

Nicolas Sapin est collectionneur mais uniquement de consoles de jeu. Par choix et surtout « par contrainte de place et par volonté d’avoir un max de choses dans le domaine », histoire de ne pas se disperser entre disquettes, écrans, claviers et manuels… Il n’envisage même pas de se consacrer un jour aux ordinateurs. Ce qui l’intéresse ce sont les jeux vidéo : « je suis passé devant tellement de modèles [d’ordinateur] que j’aurais trop de remords… et puis je n’ai pas de regrets, les ordis, pour moi, c’est la programmation, le sérieux… perso, je préfère le fun et les jeux vidéo ».

Une orientation stricte qui n’empêche pas une collection impressionnante : environ 110 machines, dont 83 sortes de Pong. Mais même avec ce type d’exigence, l’exhaustivité d’une collection est bien loin d’être acquise. Les pièces dont il est le plus fier ? Une Odyssey premier modèle, la première console de jeu à avoir existé, et une Odyssey 3 en prototype, jamais commercialisée et qui n’existe qu’à quelques exemplaires. Il présente aussi volontiers sa collection de Vectrex, avec tous les accessoires possibles : crayon optique, présentoir et même lunettes 3D… Si on lui demande pourquoi il collectionne, c’est simple, les jeux vidéo sont un patrimoine comme un autre : « Nos parents jouaient avec des Dinky Toys qu’ils s’amusent à collectionner à présent… » Pourquoi la mémoire serait réservée aux objets de plus de 50 ans… Et s’il devait se définir ? « Collectionneur de vieilles consoles de jeux vidéo ». Tout simplement !

Syndrome de l’écureuil ?

Il doit y avoir en France une cinquantaine de collectionneurs de ce genre. Ils accumulent, au gré des marchés aux puces et des braderies, une somme impressionnante de vieilles machines, cartouches, disquettes et écrans. Une passion qui devient de plus en plus à la mode, aidée par les Puces informatiques et par une certaine nostalgie entourant les années 80. Aux pionniers qui ont maintenant accumulé plus de 300 pièces, succède une nouvelle génération, tout aussi passionnée mais ciblant bien plus ses recherches. Car c’est vrai, pour ce type de hobby il faut souvent se restreindre.
Question de budget d’abord, difficile de convaincre un vendeur que l’ordinateur qu’il a payé 5 000 F il y dix ans n’en vaut plus qu’une cinquantaine. Et si les machines courantes s’acquièrent à des prix raisonnables, on atteint vite des sommes astronomiques (et aberrantes pour le non-initié) dès qu’il s’agit de machines vraiment anciennes ou de prototypes. On voit parfois partir de simples cartouches de jeu à plus de 6 000 F.

Mais c’est aussi une question de place : convenez-en, une collection d’ordinateurs prend largement plus de place qu’une collection de timbres. Claviers, écrans, disquettes, cartouches, manuels et tous les accessoires imaginables… à une centaine d’exemplaires. Un collectionneur met en général moins d’un an à remplir son grenier. L’idéal est bien sûr de trouver un local, d’avoir un grand appartement ou une famille compréhensive.
Reste, au-delà de tous ces soucis bien mineurs et communs à tous les collectionneurs, la joie de retrouver le Space invaders sur lequel on a vu passer ses premières nuits blanches… et de se faire des soirées jeu entre amis en écoutant de vieux 45 tours. Presque une cure de jouvence.