On ignore s’ils occuperont encore les esprits en 2009, mais si ces quatre anglais hauts comme trois pommes ont agité le circuit rock en 2008 avec la sortie de leur premier album, Fantasy black channel, ils ne l’ont pas volé. Car contrairement à ce qu’ont pu dire des petits malins pressés à l’idée de se farcir « the next big thing », la musique des Late Of The Pier n’est pas qu’un maelström barré jouant la carte de la barjitude pour exciter une industrie en mal de nouvelle nouveauté. Bien sûr que l’objet est un peu fou-fou puisque s’y télescopent, pillés, tous les genres et sous genres du rock, du hard à l’électro, du glam. Mais loin d’être une mascarade post « nu rave » à la Klaxons ou un autre péplum « technolo-geek » à la Justice, ce disque pirate contient de vraies chansons. Le 8 octobre dernier, quelques minutes avant leur passage sur la scène du « Grand Journal » de Canal +, tout cela nous a donné envie de longuement converser avec Samuel Eastgate, alias Samuel Dust, le chanteur pas souriant, Andrew Faley, alias Francis Dudley Dance, le guitariste au cheveux longs, Sam Potter, alias Jack Paradise, le claviériste à gueule d’ange et Ross Dawson, alias Red Dog Consuela, le batteur rouquin.

Chronic’art : Il parait qu’hier soir vous avez joué sur le plateau de l’émission Ce soir ou jamais. Comment c’était ?

Ross Dawson : Surréel !

Pourquoi ?

Sam Potter : Hé bien pendant une bonne heure et demi les invités de l’émission ont débattu le plus sérieusement du monde de la crise économique et hop, après ils ont invité un groupe de rock à venir jouer : nous !

Et il n’y a aucun lien entre votre musique et la crise économique…

Ross Dawson : Je ne pense pas ! Ça faisait donc un gros contraste (Andrew arrive et s’installe bien en face du dictaphone).

Andrew, nous parlions de la crise économique…

Andrew Faley : Super ! En un sens, la crise c’est bon pour nous car elle donne aux gens l’envie de s’évader, de se distraire. Et distraire les gens, les amuser, ça on sait faire. A part ça, je suis assez excité de voir ce qui va se passer. Ca peut être intéressant si tout le système économique se casse la gueule.

J’ai lu qu’à Londres les riches sont tellement flippés qu’ils se sont mis à faire leurs courses chez les hard discounts…

Sam Potter : Oui, c’est triste.

Andrew Faley : Mais je pense que c’est positif. Quelque chose de positif émerge toujours de ce genre de situation catastrophe. Plein de travailleurs vont quitter la City parce que des banques vont fermer et qu’il y aura donc moins de boulot, mais je me demande si les riches vont être touchés par la crise.

Ross Dawson : Les riches sortent leur argent des banques pour le mettre sous leur matelas. Moi il ne peut rien m’arriver : je n’ai que 60 pounds sur mon compte !

Vous n’avez pas l’air trop stressé avant de monter sur scène…

Andrew Faley : On essaie de ne pas trop y penser…

Ross Dawson : C’est super de jouer à la télé française.

Pourquoi ?

Andrew Faley : Parce que jusque-là, chez vous, contrairement à la télé anglaise où on ne joue jamais live et où s’ennuie horriblement, on a joué live et il n’y avait pas un type pour haranguer le public, genre : « Allez amusez-vous, applaudissez ! ».

Pourtant, chez nous aussi ça existe les chauffeurs de salle…

Sans doute, mais en tout cas il n’y en avait pas lorsqu’on est passé à Ce soir ou jamais. La scène était belle, blanche, bien éclairée, les plans de caméras étaient supers, bien rythmés et personne n’était là pour dire à la foule de péter les plombs quand on arriverait sur scène. Ils ont juste dit : « Voici Late Of The Pier ». C’était soft, smart.

Quelle chanson avez-vous jouée ?

Mad dogs & englishmen. D’habitude, c’est une de nos chansons qui marche le moins en concert parce qu’elle est plus laid back et qu’elle fait moins appel aux samples.

Vous ne vouliez pas trop chahuter le public de Ce soir ou jamais ?

Sam Potter : Je trouve ça dur de jouer à la télé parce que d’habitude quand on joue live on sent l’excitation de la foule, les gens se lâchent et toi, sur scène, tu sens cette énergie, et tu sais qu’elle est sincère. Quand tu joues pour la télé c’est moins le cas, l’excitation du public est plus mise en scène parce que tu ne joues qu’un titre, qu’il y a les caméras…

Ross Dawson : C’est vrai, mais apparemment hier soir le public de l’émission a semblé avoir vraiment apprécié notre prestation. On a bien été applaudi.

Depuis quelques mois, la presse ne tarit pas d’éloges sur vous. Comment vous vivez ça ?

Tous : ça va ! (Samuel vient d’arriver et se tient debout un peu à l’écart)

Samuel, nous discutions du statut de « next big thing » que vous ont conféré les médias. Qu’en penses-tu ?

Samuel Eastgate : Pour eux on est « the next big thing » depuis qu’on a joué notre première chanson live à Londres. Les médias disent ça à chaque fois, pour un peu n’importe quel groupe. Honnêtement, tout ça ne rime à rien, je pense que personne ne peut dire quel sera le prochain groupe qui va vraiment compter. A la limite, être « the next big thing », c’est plutôt une tare ; ça veut dire que tu ne seras jamais vraiment quelque chose, c’est un effet d’annonce qui te réduit au statut de nouveauté qui sera très vite remplacée par une nouvelle nouveauté. Les médias disent juste ça pour vendre du papier.

Andrew Faley : Ce qui est marrant, avec cette appellation de « next big thing », c’est que d’un côté, si tu n’es pas « the next big thing », ça veut dire que tu n’es rien, que tu n’existes pas, mais d’un autre côté, si tu es « the next big thing », ça veut dire que tu seras dépassé dans deux mois. Tout cela est très paradoxal et montre bien l’absurdité de la chose…

Certes.

Notre motivation première, actuellement, comme nous sommes encore très jeune et qu’on continue d’apprendre, c’est de tout faire pour ne pas perdre notre excitation et notre plaisir à faire ce qu’on fait. Surtout que c’est en nous faisant plaisir qu’on pourra contenter les gens. Pour nous, c’est dans ce sens-là que ça marche, pas l’inverse. Et c’est super important cette notion de plaisir à entretenir car on se lasse vite des choses. On a toujours besoin de rester en mouvement si on s’ennuie. Pour faire nos concerts, on n’a de budgets en or pour mettre au point de super décors ou de super jeux de lumières ; on a juste un peu d’argent et des idées, mais voilà ça semble marcher. Ça plait aux gens, ça les excite. Donc si c’est cela être « the next big thing », pourquoi pas… Tant que les gens sont excités par ce qu’on fait au point d’avoir envie d’en savoir plus sur notre musique, c’est bien.

Sam Potter : En France, on est signé chez Because Music, mais dans le reste du monde on est chez Emi, donc on ne sait pas trop comment on est perçu chez vous, mais on en a eu un petit aperçu la dernière fois qu’on est venu à Paris pour deux jours de promo. Les journalistes qu’on a rencontrés ici étaient vraiment enthousiastes.

Parce qu’ils rencontraient la « nouvelle sensation » anglaise !

Non, on les sentait vraiment intéressé par notre musique. C’était des mecs de 40-50 ans, des types très intelligents. Ils nous ont posé les meilleures questions qu’on nous ait jamais posées.
Quel genre de questions ?!

Tous : (rires)

Sam Potter : Ce n’était pas vraiment des questions, plus des thèmes de discussion, du ressenti…

Andrew Faley : Je ne sais pas trop ce qu’il en est en France, mais en Angleterre la plupart des journalistes de presse écrite ne veulent pas parler de musique. Si tu es une célébrité ou une personnalité, c’est de toi qu’ils veulent parler.

Cette dérive people touche aussi la presse française, mais pas trop notre presse rock parce que comme le rock n’est pas notre culture populaire, mais celle des pays anglo-saxons, chez nous ça reste quelque chose de fort, d’artistique. En général, lorsqu’on parle de rock, on parle donc de la musique, de l’oeuvre en elle-même.

Je vois… En tous cas, c’est ce genre d’expérience qu’on a eu lorsqu’on est venu donner des interviews à Paris. On s’attendait à être interviewé par des jeunes rédacteurs de webzines fascinés par le fait qu’on soit « the next big thing », mais non, on a plutôt été interviewé par des mecs qui sont dans le métier depuis près de trente ans et qui ont écrit en temps réel sur les décennies musicales dont nous nous inspirons. Et ces mecs nous disaient : « Bon Dieu, votre musique me met sur le cul ! ».

Mais comme vous êtes un peu partout glorifiés, certains journalistes font de vous leurs têtes à claques préférées. Je connais par exemple un journaliste français qui vous a dégommé en vous décrivant sommairement comme un vulgaire mélange des Klaxons et de Simple Minds. Qu’en pensez-vous ?

Hé bien je me demande bien laquelle de nos chansons il a pu écouter pour penser cela ! Ou quelle partie de quelle chanson ! Que dire ?… Beaucoup de critiques de presse écrite sont payés pour juger les groupes et amuser la galerie. Je trouve ça dommage. La musique ne devrait pas être traitée comme ça. Ce journaliste dont tu parles, il n’a pas compris qu’on cherche juste à s’amuser. Il nous a jugé super sérieusement, du haut de son super cerveau de critique qui sait si bien trier le bon grain de l’ivraie. Les critiques font surtout ça en Angleterre. Les gens qui nous aident sont ceux qui ne nous jugent pas à la première impression. Erol, notre producteur, nous connaît depuis un an et il ne nous a jamais jugés. Le truc, c’est que notre musique est dure à capter au premier abord. Il faut l’écouter à plusieurs reprises pour pouvoir vraiment rentrer dedans.

On va en parler de votre musique, mais parlons image, d’abord. Ca a l’air important pour vous l’image. En allant sur votre MySpace, j’ai vu que aviez déjà réalisé cinq vidéos clips…

Samuel Eastgate : On voit juste ça comme l’occasion de s’amuser un peu…

Ça ne vous intéresse pas plus que ça de faire des clips ?

Non, honnêtement, pour nous ce n’est pas quelque chose de nécessaire, si on le fait c’est plus parce que notre label juge nécessaire d’en faire. La plupart de nos clips ne disent rien que nos ne chansons ne disent déjà, c’est juste des idées visuelles…

Andrew Faley : On est d’ailleurs déçu de certains de nos clips.

Lesquels ?

Space and the woods est notre plus grosse déception. Il a été réalisé par Ian Emes, un type qui a beaucoup travaillé sur l’identité graphique de The Wall de Pink Floyd. En fait, on voulait quelque chose d’assez arty pour refléter le fait qu’on utilise du vieux matos. Mais il a dit : « Je peux faire votre clip, j’en ai vraiment envie, mais j’ai besoin de six mois ». Là-dessus, notre label a dit : « Ok, mais tu as une semaine ! ».

Je vois le hic. Comment connaissiez-vous son travail ?

On avait vu certaines de ses vidéos. Et puis on connaît sa fille qui fait elle-même des films d’animation. Un jour on lui a donc demandé si on pourrait rencontrer son père…

Samuel Eastgate : Le travail autour de notre image, on prend ça comme l’occasion de nous amuser. As-tu vu le clip de Focker ?

Oui.

Andrew Faley : On a fait ça avec très peu de moyens et c’était fun !

Ross Dawson : En comparaison, Space and the wood a coûté quatre fois plus cher. Ca restait marrant à faire mais moins que Focker, parce que lorsqu’il y a beaucoup d’argent en jeu, ça gâche le plaisir. Sur Focker, il n’y a pas d’effets spéciaux, on a fait avec deux francs six sous.

Andrew Faley : Le montant qu’il y a sur ton compte en banques (rires) !

Qui a réalisé le magnifique robot en carton qu’on voit dans le clip de Focker ?

C’est Dan Brereton, le réalisateur du clip. Il a dessiné le robot et c’est une fille dont je ne me rappelle plus le nom qui l’a construit. Et c’était fantastique. Le robot est animé par un type qui porte ça comme un déguisement, et à la fin du clip il nous tabasse pour de vrai !

Sam Potter : A chaque fois qu’on fait un clip on se fait maltraiter. Pour celui de The Bears are coming, on a dû se lever à 5h du mat’ pour marcher dans la forêt et pour Focker on a passé une journée entière enfermé tous les quatre dans une petite pièce à devoir gigoter comme des fous et nous jeter littéralement sur nos instruments et contre les murs. En plus il y avait de la fumée. Ah, cette fumée ! Moi qui suis quasi asthmatique, je n’en pouvais plus. Et il fallait sans cesse qu’on refasse les scènes.

Y a-t-il une sorte de message dans le fait que ce robot vous tape, vous musiciens, vous humains ?

Andrew Faley : Tu veux dire un message genre les hommes contre les machines comme il y en avait dans la science-fiction des années 60-70 ? Non, ce genre de choses est daté. C’est comme l’aéroport Charles de Gaulle. A l’époque, son style architectural devait être jugé moderne et tout mais maintenant c’est daté. Mais ça reste tout de même beau, fascinant en un sens. Parce que les choses peuvent être simples, datées et frapper encore l’esprit.

Sam Potter : Comme ces vieux films de SF : Le Mystère Andromède, 2001 l’odyssée de l’espace, Solaris

Dans le clip de The Bear are coming, vous jouez avec les initiales de votre nom de groupe, le L, le O, le T et le P, comme si c’était des symboles ésotériques, mystiques. Ca m’a fait penser aux pubs que faisait Sony pour la PlayStation il y a quelques années. Elles déliraient pareillement autour des quatre symboles de son joypad.

Samuel Eastgate : C’est vrai qu’on les aborde nous aussi comme une sorte de schéma combinatoire un peu mystérieux. Notre logo est une fusion de ces quatre lettres. Ça donne quelque chose d’assez organique, sexuel…

Andrew Faley : D’ailleurs on a dû avoir cette idée en regardant un film de cul (rires) !

Qui est l’auteur de votre logo ?

C’est Samuel.

Quand je le regarde, j’ai l’impression que la manière dont s’emboîtent le L, le O, le T et le P forme un flingue !

Samuel Eastgate : Un flingue ?!

Andrew Faley : Ce n’est pas faux, mais alors un flingue tout zarbe dont on se demande comment il pourrait fonctionner.
Un flingue de SF !

Oui, forcément ! As-tu vu Krull ?

Non.

C’est un vieux film d’aventure SF. Notre logo-flingue pourrait très bien s’intégrer dans ce genre de films où les héros ont tout un tas d’armes bien tordues. On a un autre logo où les initiales de notre nom de groupe forment un triangle. L’idée de ce genre de logo c’est de permettre de mieux nous identifier et voilà, nous on va sortir notre deuxième logo pile poil au moment où les gens auront commencé à nous identifier avec notre premier logo (rires) !

Le style graphique de vos logos me fait penser au travail de Druillet, un dessinateur de SF français des années 70 (je leur montre un recueil de certains de ses dessins…)…

Wouah ! Ca ressemble à ce que fait Roger Dean, un artiste anglais de la même période qui a entre autre illustré des pochettes de Yes.

Alors ça te plait Druillet ?

Carrément ! J’aime ce genre de BD, d’univers, je suis un gros geek. C’est pour ça que j’aime la scène musicale française. Beaucoup des groupes français que j’ai rencontré sont de gros geeks, comme l’est Erol, notre producteur. Erol, c’est juste un gros geek, un fou de musique. En ce moment, nous tournons avec Breakbot, un parisien dont certains des morceaux sonnent un peu comme ce que fait le label Ed Banger, très disco, très cheesy. Et Breakbot, c’est aussi un gros geek. La musique et les geeks font bon ménage.

Et donc les geeks que vous êtes ne se préoccupent pas plus que ça de peaufiner l’univers visuel de leur groupe ? Quand on forme un groupe de musique et qu’on est geek, j’imagine qu’on a toujours la tentation de proposer plus que de la musique, un véritable univers multimédia…

Samuel Eastgate : Nous avons en effet plein d’images en tête, mais comme notre but c’est de déclencher l’imaginaire et qu’on estime que notre musique génère déjà en elle-même des images dans la tête des gens, on pense qu’on pourrait s’abstenir de faire des clips. Surtout que c’est dur de faire un bon clip. La plupart du temps, quand tu en fais un, tu dois te battre pour ne pas être redondant avec les images que la musique évoquent toute seule. En même temps, tu dois réussir à ne pas être trop ambitieux, à ne pas vouloir exprimer avec le clip tout ce que tu as déjà voulu exprimer avec ta chanson, parce que voilà, ce n’est qu’un clip, il doit venir compléter la chanson. Or nous, si on voulait vraiment être à la hauteur des images qu’on a en tête, il nous faudra des budgets de fous, ce qu’on n’a pas, et ce ne serait peut-être plus des clips à l’arrivée mais des mini films. Peut-être qu’un jour on fera des films…

Votre The Wall !

Peut-être pas aussi politique…

Ross Dawson : Quelque chose de plus arty et décalé à la Monty Python peut-être.

Samuel Eastgate : Oui, mais pour l’instant on fait de la musique et dans l’absolu, si on avait le choix, on préférerait ne faire que de la musique et laisser l’imagination faire son travail parce qu’elle est plus puissante que n’importe quel clip.

Andrew Faley : Notre musique fonctionne comme un monde en soi, une sorte de monde parallèle. Je pense que les réalisateurs sont conscients de ça et qu’ils le transcendent à travers leurs clips. C’est ce qu’a fait Saam Farahmand avec le clip de notre morceau The Bears are coming, comme il l’a fait pour le clip de Feedback, le dernier single de Janet Jackson.

Sam Potter : C’est étrange de parler du regard des gens alors que nous nous adressons plutôt à leurs oreilles. On est tellement immergé dans notre musique, son univers, que lorsqu’on en sort, on est un peu étonné d’être perçu comme un groupe multi sensoriel. De voir que les gens captent eux aussi un peu de ce monde parallèle dans lequel nous baignons. Mais c’est bon signe, ça veut dire qu’on touche les gens sur plusieurs plans, auditifs, visuels, etc. On est super content de réussir ça à une époque où il est très dur de captiver les gens parce qu’ils sont sans cesse stimulés par 36 000 choses à la fois…

Là-dessus votre musique semble jouer la carte de la surenchère. Hyperactive, instable, elle incorpore telle un mash-up plein d’éléments en perpétuel changement. D’ailleurs, en l’écoutant, je me suis mis à échafauder une hypothèse à son sujet et vous allez me dire ce que vous en penser. Mon hypothèse, c’est que votre musique est le reflet d’Internet et de la manière dont il bouleverse les codes musicaux. Comme Internet, votre musique est emphatique, boulimique, elle zappe et mélange tous les genres dans un même mouvement. Et je me disais donc qu’en un sens Internet agissait peut-être sur votre musique comme le LSD avait agi sur celle des Beatles à la fin de leur carrière, en la rendant monstrueusement psychédélique. Qu’en pensez-vous ?

Andrew Faley : C’est une hypothèse intéressante, mais à vrai dire nous ne sommes pas de gros utilisateurs d’Internet. On ne télécharge pas des tonnes de disques. Internet, on voit juste ça comme un outil générationnel, un truc qui à un moment nous a permis de mettre des démos de nos chansons en ligne.

Sam Potter : Aujourd’hui, Internet est dans tous les foyers, et c’est utile lorsque, comme nous, tu habites un petit village ; ça te permet d’écouter plein de choses, d’élargir ton horizon.

Samuel Eastgate : Mais en même temps notre imagination n’a rien à voir avec Internet. A la limite, elle a plus à voir avec le fait de s’asseoir en plein milieu d’un champ. Enfin je dis ça, mais en fait je trouve qu’un champ c’est aussi ennuyeux qu’Internet. Tout ça, c’est pareil. Et nous, tout ce qu’on fait, on le fait pour lutter contre l’ennui.

Andrew, tout à l’heure tu évoquais l’écurie Ed Banger. Je trouve qu’il y a une sorte de lien entre votre album et celui de leur groupe phare, Justice, car vos deux disques véhiculent un côté odyssée ou opéra électro rock, comme s’ils titillaient la notion de concept album…

Andrew Faley : Vous ne pouvez pas dire ça en France, c’est un gros cliché à ce qu’il parait !

La notion de concept album ?

Oui !

Ça dépend avec qui tu causes…

Je ne pense pas que notre album soit un concept album, parce qu’il n’est soutenu par aucun concept précis. Il y a plusieurs petits concepts, voilà tout.

Mais votre album raconte une histoire, non ?

Si c’est le cas, c’est un hasard ! C’est juste que lorsque nous avons fini ces morceaux, nous nous sommes demandé comment les organiser ensemble pour qu’ils forment un tout cohérent.

Samuel Eastgate : Le truc aussi, c’est que la plupart de ces morceaux datent d’il y a quatre ou cinq ans. Ils sont comme les différentes facettes d’une même histoire qui serait l’histoire de notre évolution en tant qu’individu, l’histoire de notre devenir en tant que jeune adulte, l’histoire de l’excitation qui nous habite encore en tant qu’adolescent et de toutes les émotions qui vont avec. Enfin, je ne sais pas… Cet album est si riche que je crois qu’on peut y voir ce qu’on veut.

J’ai l’impression que cet album sonne comme une apocalypse, mais une apocalypse grotesque, hédoniste…

Andrew Faley : Ca m’étonne toujours que les gens trouvent que notre album soit apocalyptique. C’est juste qu’il sonne comme la fin de quelque chose et le début de quelque chose d’autre.

Sam Potter : Peut-être aussi qu’il reflète malgré lui cette période de crise et de chaos que nous traversons. Plutôt qu’apocalyptique, donc, je dirais de notre album qu’il est chaotique.

Propos recueillis par

Lire notre chronique de Fantasy black channel.
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