Récemment, via Le Monde, une polémique à éclaté entre Clair, Fumaroli et Dagen quant à être pour ou contre l’art contemporain, ce qui soulève un autre problème, celui de la critique.
On crie au loup dès qu’il y la moindre critique et pourtant trop de gens viennent aux expositions en restant béats et admiratifs face au sombre miroir de leur ignorance.

Replaçons donc cet art dans son contexte historique et parlons de ses limites…
Pour simplifier au maximum, nous pouvons dire qu’il y a, au 19e siècle, rupture entre l’académisme et un nouveau courant artistique, celui des impresionnistes. Rupture fondée essentiellement sur leur façon de traiter la ligne. La ligne ne désigne plus l’enveloppe mais émane du cœur spirituel de la forme.
Rupture par le lieu-même où se fait l’œuvre. Monet travaille à l’extérieur de l’atelier de ses contemporains.
Il y a des origines sociales à cela. La bourgeoisie crée ses oisifs, ceux-là mêmes qui la critiquent. Cette bourgeoisie se complaît dans un immobilisme intellectuel, un confort et une hypocrisie mondaine, succédant dignement à l’aristocratie. Ces goûts de surface, statiques, se trouvent brisés comme la ligne impressionniste. Ainsi pouvons-nous considérer cette rupture fondamentale comme nous faisant entrer dans une ère « moderne ».


Un urinoir dans l’art moire…

Avec Marcel Duchamp (dans les années 10 du 20e siècle, notre photo) arrive une nouvelle façon de voir les choses. On n’interroge plus forcément le formel mais le théorique. On questionne le sacré, l’art. A quoi correspondent ces si fameux et si décriés « ready-made » ? A une blague ? Peut-être… A une provocation gratuite ? C’est moins probable ! Il met en émoi tout le domaine artistique. Doit-on forcément rester dans le confort de la toile sur châssis ? Quelle est la légitimité artistique du contenant ? Il libère l’art de sa prison de conventions en nous montrant l’urinoir. Il nous invite à tirer la chasse sur la masse trop peu consistante d’idées toutes faites en nous proposant non pas des sculptures (sa réflexion n’est pas formelle) mais des tableaux en 3D, dont le support est dématérialisé.
Marcel Duchamp pose donc les bases de l’art mondial d’aujourd’hui (qui a désormais une fâcheuse tendance impérialiste). Il a fait rentrer nos grands-parents dans l’ère (statique) de l’art contemporain.

A l’époque de Marcel Duchamp, il y a un artiste russe qui prophétise déjà la fin de la nouvelle voie ouverte. Malévitch, c’est lui, tendra vers la dématérialisation du sujet plastique (il annonce Yves Klein) et ira jusqu’à arrêter la peinture pour se consacrer à des recherches d’ordre spirituel.
Yves Klein, qui arrive avec les années 50/60, ne croit qu’au monochrome. Il finira par présenter, en avril 1958, une salle vide pour les yeux, mais pleine de ce qu’il appelle la sensibilité picturale. Ainsi affirmera-t-il dans une conférence à la Sorbonne, qu’il dépasse « la problématique de l’art ».
La boucle est bouclée. Désormais l’œuvre n’a plus à être matérielle. Ainsi donc les esquisses et les « ekphrasis » tiennent lieu d’œuvres et encore maintenant, on en retrouve des traces chez Bruce Nauman… par exemple.


Banalisation.

Mais une fois que l’on a dépassé « la problématique de l’art » et exploré la théorie de manière quasi scientifique, que faire?
On se creuse alors la tête pour trouver des problématique toujours plus « far fetched ». Dès lors, on crée pour répondre à des critères. Avant tout, l’art est un marché, avec ses businessmen qui sont là pour leurs intérêts (les galeries qui prennent 70% de toute vente sont loin d’être rares…).
Bien souvent on préfère exposer des valeurs sûres du commerce artistique. Le rapport entre le socialement correct et le sensible s’est inversé. Ce qui puise sa sève dans l’authentique romantique est devenu banal. L’art tend à inspirer l’indifférence. Tant qu’il reste dans son trou, on y vient de temps en temps pour lui rendre visite. Le musée et la galerie sont un zoo. Là, tout y est acceptable.

En 1977, quand Daniel Buren a mis des drapeaux rayés dans tout Paris, en haut de tous les édifices importants, pas mal de lecteurs du Figaro se sont plaints. L’ancien président de la République a même fait retirer l’œuvre qui était au-dessus du Grand Palais… Une des personnalités politiques de l’époque aura même déclaré que l’art devait rester dans sa cage à Beaubourg.


Subventions dirigeantes.

Toujours en rapport avec L’État, les subventions. Comme c’est bien qu’un état se soucie de ses artistes ! Cela part d’un bon sentiment, mais tous ne sont pas aidés. Là encore, il faut plaire. Il faut être in… ce qui est déjà out.
L’art reflète la santé d’un pays ; c’est une parure de plus pour accompagner notre chauvin menuet dans le bal mondial. Alors on crée des FRACs (fonds régionaux pour l’art contemporain) et autre leurres. L’Etat-père ne serait-il pas trop présent ? Ne dirigerait-il pas un peu trop les affaires artistiques, même indirectement et sa sélection (tout le monde ne peut gagner à la loterie) est-elle judicieuse ? Le faiseur d’art doit donc de nouveau rentrer dans le stéréotype de l’artiste type de la fin du 20e siècle chrétien.
Est-ce normal qu’un ministre de la Culture dise « L’art doit déranger ! » ?

C’est qu’alors, il ne dérange plus depuis longtemps. A force de finesse et de provocation, d’incompris et choquant, l’art est devenu amusant, pittoresque… mais reste sûrement incompris… L’élitisme intellectuel appelle le phénomène de mode et l’on doit, dans les usages, faire preuve de tolérance :
– « C’est intéressant ! »,
– « C’est exact, la problématique justifie cette plasticité qui, d’ailleurs, n’est pas sans rappeler… »

Mais justement ça rappelle… Et le château de cartes s’effondre.
On veut du nouveau ? On a du toujours pareil !
En cela, l’art actuel n’est plus moderne depuis quelques temps déjà…

Une chose est à comprendre. C’est NOUS public et acheteurs éventuels qui faisons l’œuvre d’art. L’œuvre fait l’artiste, et, l’artiste, la galerie… Le public est l’autre qui est en l’artiste.
Notre principal problème c’est l’ethnocentrisme impérialiste de l’art occidental. Dans la mesure où l’art et le sacré sont de même essence, pourquoi obligatoirement exposer des œuvres chrétiennes ou influencées ? Pourra-t-on quitter notre déguisement culturel ?