Comme chaque année, Romain Brethes et Stéphane Beaujean de la Chro team BD nous propose un live-report from Angoulême, 37e édition de la Mecque de la bande dessinée (du 28 au 31 janvier 2010). Jour 2 (relire Jour 1 et lire Jour 3).

Alors que de gros flocons tombent en ce samedi matin, nous nous préparons à assister à la remise du prix Schlingo, du nom de l’inoubliable auteur de Josette de rechange. Créé à l’initiative de sa vieille complice Florence Cestac, le prix, qui consiste inévitablement en quelques caisses de rouge de bonne tenue, a été attribué cette année à Frédéric Felder, dit Frankie Balooney, pilier des Requins Marteaux et de leurs créations les plus géniales, du Supermarché Ferraille au Musée Ferraille. Proche de Blutch (relire notre entretien-fleuve), Felder, outre son activité de clown subversif et post-situ au sein des Requins, est aussi un auteur intéressant, qui a signé le tout récent Melo Mielo dont on parle ce mois-ci dans Chronic’art #62 (disponible en kiosque). L’impétrant a confessé l’héritage du grand Charlie (« J’ai lu au moins deux fois N pour cornichon ») avant de plonger le nez dans son verre en hommage à l’éthylisme olympique de Schlingo. La veille, nous avions poursuivi la découverte des expos phares de cette année, dont celle consacrée aux « Dessins d’humour » conçue par l’un de nos protégés, Frédéric Poincelet. Visite de luxe avec le commissaire, avant qu’il ne soit happé par un Jack Lang qui ignore toujours qu’il n’est plus Super Ministre. On s’attarde notamment sur une planche de Sempé de 1957, d’une beauté et d’une grâce indépassables. Frédéric avait d’ailleurs fait visiter son expo à Sempé, qui n’avait aucun souvenir du dessin en question mais qui avait conclu que finalement, « l’idée n’était pas mauvaise ». Je crois d’ailleurs savoir que Benoît, qui s’était réservé la rencontre avec notre Steinberg national, a été quelque peu déconcerté par le sens de l’humour très personnel de Sempé, qui poussa l’attitude punk jusqu’à allumer une cigarette en plein Centre International de la Bande Dessinée et de l’Image, sous les yeux interdits de l’assistance et de la sécurité. En parlant de beauté et de grâce, Sempé s’est trouvé un digne héritier en la personne de Blutch. Son choix radical d’exposition (seulement des illustrations, aucune planche, pas de légendes, pas de textes, pas de dates), osé, fonctionne parfaitement. Les spectateurs sont littéralement happés par la puissance et la volupté du trait, la sensualité et la violence primitives qui se dégagent de cet univers. On frôle le syndrome de Stendhal et on en sort comme assommé, étourdi et heureux de cette promesse de bonheur qu’est la véritable beauté pour Henry Beyle. Entre-temps, on a vu un Martin Veyron sincèrement ému de l’hommage rendu par Blutch dans notre interview, un Benoît Délépine ravi de la nomination de son prochain ovni avec Gérard Depardieu (!) et Isabelle Adjani (!!) au Festival de Berlin, on est sollicité par France Inter pour faire la traduction en direct de Joe Sacco (traduction simultanée finalement assurée par… Jul !) et on finit la soirée en beauté (décidément) en assistant à la rencontre, dans un petit restaurant, entre deux monstres sacrés : Robert Crumb et Moebius, qui n’avaient jamais eu l’occasion de discuter par le passé. Après quelques tâtonnements, la machine est lancée. Par la suite, on discute avec Gir, qui avoue beaucoup aimer Chronic’art. On lui propose tout de go une interview fleuve dans un numéro à venir, il accepte avec enthousiasme, aussitôt tempéré par Sylvie Chabroux, qui nous dit qu’il conviendra de passer avant tout l’obstacle suprême : la propre épouse de Jean Giraud. Chiche !

Lire notre compte-rendu du jour 1 et du jour 3.
Lire notre entretien-fleuve exceptionnel avec le Président de cette édition 2010, Blutch.
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