Comme chaque année, Romain Brethes et Stéphane Beaujean de la Chro team BD nous propose un live-report from Angoulême, 37e édition de la Mecque de la bande dessinée (du 28 au 31 janvier 2010). Jour 1 (lire aussi Jour 2 et Jour 3).

Après quelques soubresauts (budget non bouclé quelques semaines avant le festival, conflit entre le FIBD et la mairie) sans lesquels Angoulême ne serait pas Angoulême, c’est parti pour la 37e édition de la Mecque de la bande dessinée, où 200 000 fidèles sont appelés à communier sur l’autel du dieu de l’image. Parmi ses prophètes, quelques noms prestigieux et rares sont présent cette année : Sempé, dessinateur de génie mais qui a toujours avoué n’avoir guère de relation avec le monde des phylactères et de la séquence narrative ; Crumb, qui semble prendre goût aux sunlights des médias depuis la sortie de son intrigante Genèse ; Blutch bien sûr, Président de cette 37e édition (il faut relire l’entretien qu’il nous a donné il y a quelques semaines, et qui constitue une excellente entrée à son univers), ou encore Joe Sacco, l’auteur de l’inoubliable Gorazde et du récent Gaza 1956, sur lequel nous reviendrons très longuement dans notre numéro de mars (dans le magazine papier disponible en kiosque). Et c’est parti plutôt à un rythme très élevé, notamment hier au soir lors d’un dîner particulièrement arrosé en compagnie de Vincent, éditeur chez Delcourt et revenu tout juste d’un périple sénégalo-indo-thaïlandais, Armel, big boss de la presse locale qui a ses entrées partout (ce qui est fort pratique) et Stéphane (Beaujean), une tête de notre Chro team tricéphale. Entre les pronostics éthyliquement approximatifs sur le prochain palmarès et le traditionnel mais destructeur mélange champagne-bierre-vin-vodka, nous en sommes venus à parler, comme cela arrive très fréquemment dans les dîners entre amis, d’argent, et plus précisément d’argent dans la BD. Vincent, qui trouve bien fade le retour à la vie française, concéde gagner suffisamment pour devenir le chef d’une tribu peule, son rêve (ce qui ne nous dit pas vraiment à quoi correspondent ses émoluments). Après un passage au Cinq-Sens, le bar qui est définitivement la meilleure alternative au sinistre soirée du Mercure, je laisse Stéphane dans un bien piteux état qu’il paie fort cher le jeudi matin. Ayant manqué de tomber trois fois de la mezzanine du loft loué généreusement par le Festival d’Angoulême, il se rend aux premières rencontres qu’il doit animer aujourd’hui alors que je me rends à l’expo Fabrice Neaud, l’auteur indépassable du Journal mais dont le dernier volume date tout de même de 2004. Depuis ? Pas grand-chose. Il continue de clamer sa haine de la capitale des Charente (son cri du coeur « Je déteste Angoulême », repris littéralement dans la Charente Libre, n’est pas passé inaperçu), tout en livrant une belle rétrospective, fort intelligente et qui a même son enfer judicieusement rebaptisé « PorNeaud ». L’étage consacré aux photographies d’un grand nombre d’églises ou de cathédrales renvoie aux interrogations spirituelles largement développées dans les oeuvres de cet amoureux de Renaud Camus. Je croise ensuite Joe Sacco, qui me parle de son nouveau projet « sur les migrations des populations africaines » qui constituent pour lui l’une des clés de l’histoire du siècle à venir, et qui ne croit guère à un changement de la politique américaine au Moyen Orient, malgré « le changement de rhétorique » venu du Président Obama. Sur le stand de L’Association, je dis au très grand (dans tous les sens du terme) Jochen Gerner que ma fille de 8 ans a adoré ses illustrations de Dicodingo, un livre pour enfants sur lequel il a travaillé en 1995 et qui lui rapporte encore plein de droits d’auteur. Sinon, j’ai aussi répondu à une interview de Brigitte Lahaie. Oui, oui, LA Brigitte Lahaie, celle des pornos expérimentaux et des films de vampire de Jean Rollin, que Martin-Pierre (Baudry), le troisième larron de la Chro team, idolâtre littéralement. La divine Brigitte voulait savoir pourquoi donc la bande dessinée érotique fait un retour en force (ce que je fus bien incapable de lui expliquer). La soirée s’annonce chargée, avec notamment la soirée d’inauguration du festival et, money, money oblige, les premiers extraits de la Blanc-Sec de Tardi adapté par…Luc Besson. Cherchez l’erreur.

Lire notre compte-rendu du jour 2 et du jour 3.
Lire notre entretien-fleuve exceptionnel avec le Président de cette édition 2010, Blutch.
Voir le site officiel du Festival