Songwriters savoyards biberonnés au meilleur de Leonard Cohen ou à l’Antifolk amie (Herman Dune en parrains, Jeffrey Lewis et Kimya Dawson pas loin), les Coming Soon, Stetson sur la tête et Ukulele dans les mains, regardent toujours un peu loin vers l’Ouest. Meilleur espoir hexagonal d’une folk sans territoire.

Chronic’art : Quand on vous voit sur scène, on sent que vous en avez déjà une expérience sans doute conséquente. Est-ce bien le cas et que s’est-il passé avant Coming Soon ?

Coming Soon : Avant Coming Soon, il y a eu des projets parallèles : Bear Creek, les Matching Cubes, Shit Happens (un tribute band à Beat Happening), Ben Lupus, Howard Hughes. Mais on a vraiment accédé à la scène avec le groupe. Et nous avons déjà fait environ 80 concerts avec le groupe, c’est allé très vite. Quand on ne fait pas de distinction entre une salle classique et un house show, ça va très vite. Quand on voit jouer Stanley Brinks ou les Wave Pictures, on sent cela multiplié par dix, cette manière effrontée de se foutre de tout, de faire aux gens cet affront qui est de les prendre au sérieux, qu’ils soient 10 ou 1000.

Curieusement, Howard Hugues, qui semble la tête de proue du groupe (le plus grand, le plus âgé, le plus extraverti, etc.) est aussi celui qui en fait le moins sur scène : est-ce parce qu’il ne joue de rien ou parce qu’il veut absolument avoir le rôle du chef d’orchestre ?

Howard n’est pas musicien, il connaît dix accords de guitare et une quinzaine au piano. Il a pris l’habitude du costume et du rôle de la scène et ensuite il est devenu son personnage, comme dans un film expressionniste.

Howard Hugues est un nom qui ne dit peut-être plus grand chose aux kids aujourd’hui… Pouvez-vous rappeler qui il était et pourquoi avoir pris comme pseudo le nom d’une personne ayant réellement existé ?

Howard Hughes, ça ne nous dit pas grand chose non plus, c’est une grande maison vide, avec des mauvaises manières et des idées et puis l’image d’un touche à tout qui n’a rien réussi complètement.

Chaque membre s’est rebaptisé d’un sobriquet plus ou moins farfelu. Là aussi, quelles sont les motivations de ce changement ? Vous aviez des noms si impossibles à assumer ?

Dans une petite ville, tout le monde connaît ton nom, ta famille, ton arbre généalogique, tes voisins. Changer de nom, ça permet de décrocher et de fantasmer un personnage, et surtout de s’amuser, comme Pessoa. Dés l’école primaire, on devrait proposer aux enfants de se rebaptiser.

Le fait d’avoir des membres très jeunes dans le groupe vous oblige-t-il à limiter les tournées, à ne jouer que pendant les week-end et les vacances scolaires ?

Exactement, ça nous limite et en même temps ça suscite aussi une curiosité. On verra ce que ça deviendra.

Comment un groupe de gens basé à Kidderminster se retrouve à créer une musique lorgnant aussi clairement vers l’indie-folk américaine ? Le patrimoine musical de la région d’Annecy ne vous a jamais inspiré ?

Pendant un ou deux ans, Kidderminster était devenu le lieu de passage des Antifolk : Jeffrey Lewis, Kimya Dawson, Schwervon !, etc. tous invités par notre ami Angelo Spencer et Loaf de l’underground family. On a vu des concerts d’Herman Düne qui nous ont fait tomber par terre, parce qu’ils revenaient souvent d’un pays étranger, et toujours avec de nouvelles chansons ou de nouvelles reprises. On en a d’abord fait un héritage.

On lit de manière assez transparente dans les influences du groupe (du Léonard Cohen en ouverture, du Calvin Johnson plus loin, du Nick Cave encore ailleurs, sans parler de Jeffrey Lewis, Moldy Peaches et pas mal d’autres) et pourtant, Coming Soon parvient à ne pas être coincé dans un registre « best of de l’antifolk »: à quoi cela tient-il, de votre point de vue ?

Un peu de talent, qui sait ?

Quelle serait votre définition d’une bonne chanson ?

Une chanson qui donne envie d’en entendre une autre, ou de rendre quelqu’un heureux. En gros, tout sauf un tube.

Quel est le lien qui vous a amenés à enregistrer avec Kimya Dawson sous le nom de Antsy Pants, puis à être présents sur la B.O. de Juno ?

Angelo Spencer avait invité Kimya et était reparti avec elle vivre à Seattle. Avant de se quitter, on a enregistré de chansons chez lui avec tous les gens qui étaient dans la pièce. Kimya adorait l’univers de Léo et a fait beaucoup de chansons avec lui. Quelques années plus tard, Jason Reitman, le réalisateur de Juno, a demandé à sa comédienne Elle Page ce que son personnage pourrait écouter : elle a dit : « les Moldy Peaches ». A partir de là, JR a rencontré Kimya et découvert la multitude de ses projets solos et de ses collabs. C’est comme ça qu’il a choisi deux chansons d’Antsy Pants.

Est-ce que, à la manière des baby rockers, Coming Soon souffre de compter dans son line-up des kids? En d’autres termes, est-ce que ça vous amène à être aimés ou détestés pour de mauvaises raisons ?

On est trop gentils pour être des bébés rockeurs.

J’ai entendu dire que vous aviez eu une sorte de mésaventure plus ou moins à cause de ça avec Canal + ?

Non, on a juste failli s’effondrer quand on a entendu : « après le rock, les bébés rockeurs se mettent au folk ». Heureusement, une scène folk française a pris la relève et a comme point commun avec nous de chanter en anglais.

Comment voyez-vous la suite de vos aventures après cet accueil plutôt bienveillant, côté critique comme public ?

On est très optimistes, on travaille, on écrit, on va jouer cet été. On espère faire des rencontres, ça nous manque un peu en ce moment.

Propos recueillis par

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