Le Dictionnaire du jeune cinéma français, traitant des réalisateurs, a paru il y a déjà quelques mois. Le moment est donc propice pour faire avec le directeur de la publication, Christophe Chauville, le point sur cet ouvrage qui a, c’est lui qui l’affirme, « essuyé les plâtres ». Soulignons, en préalable à cet entretien, que, malgré d’inévitables défauts de jeunesse, ce Dictionnaire du jeune cinéma français possède l’indéniable qualité de combler un vide dans l’édition cinématographique française en présentant de façon synthétique ceux qui débutent aujourd’hui, notamment par le biais du court-métrage, et seront -pour certains- les Grands de demain…


Chronic’art : Pourquoi avoir fait ce dictionnaire et dans quel but ?

Christophe Chauville : Je suis depuis longtemps cinéphile et grand consommateur de presse et de littérature cinématographiques et j’ai souvent été un peu frustré que les ouvrages de référence, même s’ils sont irremplaçables, ne présentent que des textes un peu courts sur les jeunes réalisateurs. Même sur les éditions les plus récentes, des gens comme Kassovitz ou Dridi, qui sont quand même importants pour le renouveau du cinéma français, sont traités en très peu de lignes. On n’a presque pas d’informations sur eux. Les filmographies -et ça c’est un autre problème- ne contiennent pas les courts-métrages. Mais notre ambition est modeste. Aujourd’hui, la cinéphilie « à fiches » a mauvaise presse, alors que Georges Sadoul n’hésitait pas à faire des dictionnaires, à compiler des faits, des durées, je trouve que c’est une noble ambition.

Est-ce que ce n’est pas cela qui fait justement le paradoxe du livre : parler de personnes qui ne sont pas encore reconnues ?

Certes…

On peut penser qu’il va peut-être y avoir 50% de « pertes »…

Ah, ce n’est pas sûr… pas sûr… Je n’avais pas vu le problème comme ça ! Mais, oui… Enfin, nous avons quand même choisi des gens qui, pour la majeure partie, sont en train de passer au long-métrage, quand ils n’en ont pas encore faits. On a fait un choix sur lequel je parierai volontiers quand même, on peut se tromper mais…

Pourquoi ce pari ?

L’équipe qui a été réunie autour du bouquin comprend beaucoup de gens qui collaborent à Bref et qui suivent les réalisateurs très en amont, avant leur passage au long. On a donc fait un choix très collégial, l’éditeur aussi connaît très bien le court-métrage depuis de nombreuses années.

C’est un choix subjectif ?

Bon, il y a environ 450 courts-métrages réalisés chaque année, donc on a mis ceux qui nous accrochaient et certains amis réalisateurs m’ont reproché de ne pas les avoir évoqués dans le dictionnaire…

Quels étaient vos critères ?

C’était de choisir des gens qui avaient un ton singulier, des gens qui avaient eu des prix aussi, même si ce n’était pas forcément le critère principal. C’est vraiment un bouquin qu’on voudrait tourné vers l’avenir, ce n’est pas un bilan. Et peut-être qu’effectivement il y a des gens sur lesquels on a misé et qui disparaîtront de l’édition suivante, y compris des cinéastes qui ont fait un long métrage et qui n’en feront peut-être pas un deuxième. Et puis, il y a ceux qu’on a sélectionné sur un seul film quand ils sortent de la FEMIS par exemple. Emmanuelle Bercot a fait un seul film, Les vacances, mais celui-ci a collectionné les prix, elle a déjà un long en préparation… On ne pouvait pas faire l’impasse sur elle.

Et en ce qui concerne la représentation des genres autres que la fiction ?

Je suis conscient que le documentaire ou l’expérimental ne sont pas assez intégrés…

Oui, c’est aussi un parti pris de dire que le cinéma c’est la fiction, non ? A certains endroits j’ai lu : « untel passe enfin à la fiction… »

A propos de qui ?

Christian Rouaud.

Ah oui, c’est vrai ? C’est peut-être inconscient, et puis on est aussi dans un pays où la notion de cinéma est en grande partie liée à la fiction.

Votre sélection se faisait principalement sur la diffusion en salle ?

Oui, par exemple pour Mémoires d’immigrés de Yamina Benguigui, c’est très clair. Si son film n’était pas sorti en salle, je ne crois pas qu’on l’aurait intégré.

Il y a aussi dans ce livre un certain manque d’homogénéité sur les informations pour chaque réalisateur. Par exemple il n’est pas dit que Mathieu Amalric a fait la FEMIS…

Ah oui, c’est un oubli. En fait, plutôt que de trouver des excuses, je voudrai dire que ça a été un travail difficile à réaliser, sans beaucoup de moyens, en peu de temps. Faire remonter l’information a été compliqué parce que les sources ont été très diverses. Et puis, il y avait aussi une équipe de douze personnes et ça reposait sur le volontariat, untel voulait écrire sur tel réalisateur… Nous avions simplement défini un canevas général : respecter et suivre un aspect bio et un aspect critique, mais chacun était responsable de son texte…

En fin de filmographie, il est dit très souvent « long-métrage en préparation », mais tous ne vont pas réellement aboutir ?

Ah, si ! Là, dans les filmo, c’est une certitude. Il va vraiment y avoir beaucoup de premiers longs. Et là, six mois après la sortie, je m’aperçois que j’ai raté des gens. Par exemple, Sophie Comtet qui a sorti Les Bruits de la ville. Comme elle vient de la danse et du spectacle vivant, elle ne faisait pas partie du sérail du court-métrage. Son frère aussi prépare un long-métrage qui sortira l’an prochain. Il y en a quelques-uns comme ça qui sont passés entre les mailles du filet et que j’ai mis dans un coin de ma tête pour la prochaine édition.

Y a-t-il des réalisateurs dont le premier long-métrage va être marquant, à ton avis ?

A titre personnel, je pense qu’il y a certaines productions qui font un boulot dans le cinéma indépendant vraiment prometteur, cohérent, intéressant et intelligent comme Sunday Morning Production. Ils passent au long-métrage avec Christophe Blanc qui a déjà réalisé un moyen-métrage qui s’appelait Faute de soleil. Ils vont aussi produire le premier long métrage d’Orso Miret, une figure du court-métrage. Je pense que ce sont des cinéastes qui compteront dans un registre auteuriste, même si Zonca a placé la barre très haut quand même, tant en terme de qualité que d’audience publique…

Propos recueillis par

Le Dictionnaire du jeune cinéma français (Scope Editions).

Scope Editions ne compte pas s’arrêter là et continue ses parutions. Le deuxième tome du dictionnaire, consacré aux comédiens, est en chantier et sortira vraisemblablement au printemps 2000, tandis que le premier volet d’une collection consacrée aux jeunes réalisateurs, sous la forme d’une brève synthèse biographique et filmographique, vient de sortir : il a pour sujet Eric Zonca.