Qu’il soit maousse (Indigènes) ou riquiqui, le cinéma français voit dans la Deuxième Guerre mondiale le fantasme de recoller au divertissement populaire à l’ancienne. Pas d’exception pour Zone libre, film à thèse et chronique rurale par Christophe Malavoy, acteur chabrolien période eighties recyclé à la télévision. On suit la destinée d’une famille juive d’Europe de l’est, planquée en pleine cambrousse par un paysan au grand coeur. Le scénario est guidé par les méandres habituels : conflits culturo-générationnels, angoisses quotidiennes d’une dénonciation ou d’une négligence fatale, prises de risque et tragédie qui pointe. Malavoy filme tout ça comme un épisode de Louis la brocante, mais avec une foi indéfectible en son sujet. Le syndrome Indigènes, à nouveau : il y a là davantage une volonté de se faire guide touristique que cinéaste, une application de conteur naturaliste, intention saine mais limitée.

Parce que le film n’existe pas tant pour lui-même que pour ces Schindler campagnards à qui il rend hommage. Si Malavoy respecte non sans déférence la pièce de Jean-Claude Grumberg (Amen), il se contente de la couler dans une mécanique ronronnante de neutralité. Le théâtre reprend donc le dessus : on est toujours dans le discours ou la performance d’acteurs, la mise en scène, se tiennent à l’écart en un festivals de plans moyens. Le scénario a beau aérer la pièce, le film ne fait que changer de décors. D’une église désaffectée au Paris occupé, toujours la même chanson : la grande histoire est sans cesse préférée à la petite, le panel au portrait. Mais de scène proprement dite, rien ou presque, sinon un suspens mou du genou surgissant en guise de ponctuation : ici une fouille intempestive (trois plans), là une enquête, en tranches sur la disparition d’un enfant.

Non, décidément seul le théâtre porte le film. Aux acteurs d’abattre le boulot donc, mais ils se cognent rapidement aux limites du cahier des charges. Entre deux fuites, les Juifs se posent des questions (faut-il faire des enfants dans pareil contexte ? Oui, non, peut-être…), avant tout ils se définissent comme juifs via quelques séquences exotiques (les facéties de la grand-mère qui parle le yiddish). Plaisir gourmand ? Non, réalisme téléfilmique voilà tout. Les paysans sont pires, cantonnés à un phrasé Jeux interdits qui leur ôte toute appropriation possible. Roussillon fait ce qu’il peut en bon pécore jamais flippé par les boches, au moins a-t-il une présence. Celle de Mathilde Seigner, dans son numéro de bobonne brandi tel un programme politique, est plus déprimante.