Le retour de Schoenendoerffer junior sur les écrans après le grotesquissime Agents secrets était attendu dans la joie et la bonne humeur. Voici donc Truands, qui s’attaque cette fois au grand banditisme, au « milieu », à la french connection, 35 ans après William Friedkin. D’ailleurs, malgré le décor français et l’accent pastaga de Philippe Caubère, pas de doute : le film fait l’américain un peu comme il y a quelques mois Guillaume Canet et son rigolo Ne le dis à personne. Ambiance lounge, écran large, le cinéaste y croit visiblement à fond. C’est le drame de ce minable cinéma du renouveau, se croire si seul à tracer son sillon qu’il peut se la jouer facile, et dérouler, sourire en coin, les plus ineptes simulacres pour se sentir au-dessus du lot.

A la naïveté empotée de Canet, on peut difficilement préférer l’abyssale nullité de Schoendoerffer, qui filme comme un pingouin en se prenant pour Michael Mann. Le pauvre n’est pas aidé par son acteur principal, Philippe Caubère, sensé incarner l’ancienne génération et la tradition marseillaise dans un monde livré aux petites frappes de banlieue sans foi ni loi. L’acteur joue comme un véritable sagouin, dans un numéro d’équilibre improbable entre grosse présence virile à la Bruno Cremer et burlesque à la Louis de Funès, mimant la tension, la rage intérieure et l’animalité qui régit les comportements du milieu à coups de roulements d’yeux, de froncements de sourcils et de grognements souvent hilarants. Ce que le film pouvait garder de mystère (le côté C’est beau une ville la nuit) ou de panache (Schoendoerffer tentant d’assurer l’héritage paternel), Caubère le piétine et le saborde dans les grandes largeurs.

Mais il serait facile de limiter le drame du film à cette simple parade ubuesque, Caubère ne faisant qu’enfoncer un peu plus ce vieux paquebot pris entre deux feux, le stylisme de contrefaçon (c’est la touche Magimel, à oilpé dans son appart’ qui donne sur les hauteurs lumineuses de la ville, une beauté d’ébène à ses côtés) et la purulence beauf des Olivier Marchal (ici acteur) et autres représentants d’un polar héritier de la grise franchouillardise des seventies. Un cinéma de branque, dramatiquement sérieux, et qui trouve dans ses quelques excès (la violence très Gaspard Noé du film : torture à la perceuse, viol à la matraque) une voie nouvelle, une voie de plus pour s’excuser de sa terminale médiocrité.