Rien ne va plus dans la famille allemande. Après le couple dans Montag de Ulrich Köhler, c’est la cellule familiale qui part en morceaux dans Ping-pong. Un adolescent au visage angélique débarque à l’improviste chez son oncle et sa tante pour y passer quelques jours d’été. L’arrivée de l’intrus provoque le lent dérèglement du tranquille foyer bourgeois.

La critique sociale vient enrichir la simple chronique d’un été en famille. Doux comme un agneau, le cousin pauvre sert un peu à tout, il refait la piscine, coupe les branches, renvoie la balle pour qui veut jouer au ping-pong, distrait le fils solitaire et pour finir couche avec la mère quand elle en a envie. Ce n’est pas un hasard si sa tignasse frisée rappelle étrangement celle du bon chien-chien de la maison. Bon qu’à ça, le jeune palefrenier robuste endosse tous les fantasmes, mais après usage on le renvoie à sa place. Si le jardin et la forêt qui servent de décor au récit, les plans fixes et la belle lumière d’été arrachent Ping-pong à pas mal de clichés, une fascination morbide enfonce lourdement le clou. Le gamin trimballe sur son bras une plaie vraiment pas belle pendant les trois quarts du film : on a bien compris que la situation s’infectait sérieusement. Quant au fils de la famille, musicien raté et alcoolique, Oedipe refoulé, a-t-il besoin d’être à ce point accablé ?

C’est dans les premiers pas d’une relation tâtonnante entre l’ado et la mère de famille que le film trouve ses meilleures armes. Depuis le premier baiser enfantin jusqu’à la scène de sexe, la différence d’âge n’est jamais gommée. Le cinéaste arrive à éviter à la fois l’angélisme d’un amour sans âge et la transgression sordide. Au rythme d’une partie de ping-pong, Paul et Ana se renvoient la balle sans vraiment y croire. A ce petit jeu, il aurait très bien pu ne rien se passer, comme quoi la débandade ne tient qu’à un fil. C’est justement cette précarité de tout équilibre apparent que le cinéma allemand d’aujourd’hui semble vouloir mettre en lumière. Mais le film échappe difficilement au suspense facile du passage à l’acte : quand vont-ils coucher ensemble ? Dommage que Luthardt préfère les coups de force au glissement progressif. Pour finir sur une note bien cruelle, l’intrus noie sadiquement le chien adoré dans la piscine.