Depuis que les Apatow-movies ont fait main basse sur la comédie américaine, on avait presque oublié que les comiques d’antan sont toujours là (de Jim Carrey à Mike Myers, on risque très vite l’obsolescence sur ce terrain si productif de la comédie US). Dans Yes man (rien à voir avec les activistes politiques, les Yes Men), Jim Carrey incarne un employé de banque dépressif qui, à la suite d’un séminaire, prend le pari de dire oui à toutes les opportunités qui se présentent à lui. Une décision qui va bien entendu changer sa vie. La piste de la dépression est évacuée en un rien de temps (il suffit de dire « yes » pour qu’elle éclate, immatérielle, comme une bulle de savon) au profit d’un positivisme forcé qui pourrait vite énerver s’il n’y avait en même temps une vraie candeur dans cette façon de croire jusqu’au bout à cette histoire (nul cynisme, nulle ironie ou prétention idéologique ici).

Cette capacité du cinéma hollywoodien à transformer l’équivalent d’une formule de « fortune cookies » ou d’un slogan publicitaire (type « Just do it » de Nike) en conte philosophique est assez vivifiante, même si le film dépasse rarement le caractère « light » de sa formule initiale. Loin de couvrir tous les possibles qu’une telle mise de départ conceptuelle pourrait supposer (dont le modèle reste peut-être Un Jour sans fin d’Harlord Ramis), et ainsi engendrer une mécanique folle et incontrôlable (façon Fous d’Irène des frères Farrelly), le film s’aventure du côté d’une comédie romantique à la forme plus lâche. Là où ailleurs Jim Carrey s’engouffre parfois dans une épuisante hystérie (son péché mignon), le réalisateur, Peyton Reed, semble le ramener en permanence au sol, si bien que la marque de fabrique du comédien (la plasticité de son visage) nous parvient par trouée erratiques, lors de moments souvent très réussis (l’hilarante scène au téléphone, au début du film).

Si la comédie est, par nature, un savant mélange de mécanique et de vivant, ce film-ci penche le plus souvent du côté du vivant. Pas certain pourtant que du côté du vivant de la force, endossant des rôles « psychologiques », Jim Carrey soit un acteur vraiment passionnant. Son jeu « réaliste » se réduit souvent à quelques mimiques entendues, sans réelles variations ni ambiguïté. Pas un hasard si l’une de ses plus grandes performances, Man on the moon, tenait à une absence complète de psychologie. Carrey est typiquement un comédien de la surface, du masque, et semble toujours un peu plus fade dès qu’il a affaire au réalisme. Reste quand même que le film est assez attachant, en particulier grâce aux seconds rôles : Zooey Deschanel qui semble jouer sur coussins d’air, loin de ses gesticulations étranges et un peu agaçantes qu’elle arborait dans Phénomènes, le « stand up comedian » Rhys Darby, qui papillonne avec un réel génie comique dans la peau du patron immature, ou même Danny Masterson (le Steven Hyde de That 70’s show), malheureusement sous-employé. Tous donnent à cette sympathique comédie non pas une profondeur (sur ses enjeux le film est plutôt lisse) mais quelque chose comme une incarnation.