Réalisé par l’actrice Joan Chen (Le Dernier empereur de Bertolucci, Twin Peaks de David Lynch, et Entre ciel et terre d’Oliver Stone), Xiu Xiu reflète la personnalité schizophrénique de son auteur, née en Chine mais qui a suivi ses études de cinéma aux Etats-Unis. Entre tradition chinoise et savoir faire hollywoodien, le film souffre du déplaisant syndrome qui pousse certains réalisateurs orientaux à construire des films pour séduire l’Occident. Se référant en guise de caution à l’histoire de son pays, Joan Chen situe son film en 1975 lors des derniers soubresauts de la Révolution Culturelle. C’est l’époque où l’on envoie les enfants des villes à la campagne, loin de leurs parents, dans le cadre des « mesures de rééducation des masses ». La jeune Xiu Xiu part ainsi dresser des chevaux en échange de la promesse de la charge d’un bataillon féminin de cavalerie… promesse qui restera non tenue. L’histoire revêt alors des allures de mélodrame puisque Xiu Xiu est littéralement abandonnée dans les montagnes du Tibet et doit partager sa tente avec Lao Yin, son éducateur, dans l’ espoir qu’on vienne la chercher. Les étapes tragiques vont dès lors se succéder crescendo jusqu’au drame final. Sans jamais prendre du recul vis à vis de ce qu’elle filme, Joan Chen en fait des tonnes dans le pathos : la jeune héroïne va ainsi tomber dans la prostitution, vivre un amour platonique avec Lao Yin qui est impuissant, provoquer leur propre suicide lors d’une séquence censée être le clou de ce que l’on peut bien qualifier de spectacle.

Mais ce n’est pas tant l’histoire, si grossière qu’elle soit, qui nous perturbe le plus. La réalisation de Joan Chen est autrement plus problématique. Sans jamais atteindre une quelconque once de vie, le film reste dans le paraître, le ressemblant. Une seule image pour nous convaincre : les fleurs artificielles aux couleurs criardes qui décorent les champs dans lesquels Xiu Xiu gambade.
Au final c’est à une esthétique de l’artifice que nous convie la réalisatrice, un médiocre semblant de vie…