Sortie opportune, bien sûr, d’un documentaire réalisé en 2000 sur la prise d’otages de Munich. De Kevin MacDonald, on a connu depuis La Mort suspendue, doc hybride (mi-témoignage, mi-reconstitution) sur la mésaventure vécue par deux alpinistes en altitude qui prenait dans ses meilleurs moments des allures de Gerry savoyard. Un Jour en septembre est nettement plus ordinaire, il a reçu l’Oscar du documentaire, on devine donc quelle ringardise est la sienne. Narré off et ronflant par une star (Michael Douglas en label cinéma), il se pare du traditionnel attirail des docs télés, intervious & musiques, témoins témoignant qui à son bureau, qui devant ces papiers vilains que l’on trouve chez les photographes et qui sert de fond d’écran, effets de manche d’usage. L’intérêt n’est évidemment pas ici, non plus dans l’interview événement réalisée avec le dernier survivant du commando de Septembre noir, clandestin paranoïaque qui ne regrette rien et considère le carnage comme une opération bénéfique à la cause palestinienne. L’intérêt, c’est lui, sa présence, mais trente ans plutôt : le film regorge d’images d’archives fascinantes. Grand messe médiatique, les Jeux Olympiques avaient naturellement attiré des caméras du monde entier, qui ont filmé quasi in extenso toutes les heures du drame, sauf le massacre qui l’a conclu. Vieux rêve de la tévé : l’histoire se déroule en direct, sous vos yeux.

Ce que donne à voir le film, c’est la force du live, l’événement pur. Et aussi ce que Spielberg, dans son Munich à lui, ne filme plus car il déplace sa lecture de l’histoire sur une échelle plus large qu’un jour de septembre. Chez lui l’histoire tente de se donner dans toute sa résonance, jusque dans le corps d’un seul homme. Vue à la télé, elle est pur présent. Il n’y a pas de caisse de résonance, tout ce qui est est ce qui arrive. Grande machine à fabriquer du désarroi et de la frustration : plus on voit, moins on voit. Et en même temps on reste dans la fascination. Autant l’événement se déréalise dans son solitaire déroulé, autant l’histoire est rendue à sa dimension première, primitive de présence affective immédiate. Le présent y est frais, pas encore réchauffé. Le nez sur l’écran, on en respire la puissance. Mieux, la télé déjà travaille sa mécanique quantique : observatrice, elle modifie les trajectoires, contamine ce qui advient. Ainsi l’assaut des policiers allemands, complètement amateurs avec leurs joggings et leurs mitraillettes, est-il déjoué parce que les terroristes en regardent tous les préparatifs sur leur poste de télé. Une révolution tranquille se prépare, il n’y aura plus jamais de spectateurs, nous serons tous partie prenante du cirque, mille guerres télévisés, feuilletonnées, en direct live depuis votre salon.