Si l’on fait abstraction, une fois de plus, d’un titre français stupide, Going the distance frôle la perfection. Il y a, d’abord, ce point de départ très simple et prosaïque (une relation longue-distance), qui rappelle combien la comédie est un genre actuel, qui n’a pas son pareil pour suivre pas à pas les évolutions de société contemporaines (beaucoup plus que la majorité des Auteurs : voir comme Kiarostami rabâche les poncifs de la crise de couple, dans son désolant Copie conforme). Il y a, ensuite, ce duo très crédible et touchant : évoquer la romance par intermittences du couple d’acteurs peut paraître relever de la presse people, mais après tout, il suffit de rappeler combien la rencontre entre Bogart et Bacall contribua à la beauté du Port de l’angoisse, transformant un polar en temps de guerre en un pur film d’amour. Toutes proportions gardées, l’intimité évidente des comédiens joue un rôle comparable ici, apportant une touche de vérisme au projet, qui manifeste de ce côté une réelle finesse. Le film aurait pu se contenter de cette élégance et de la qualité de son écriture, proche des films de Marc Lawrence. Il y ajoute les buddies plus ou moins losers des films d’Apatow, avec leurs blagues de cul ; la grande sœur protectrice d’En cloque, et ses considérations amères sur les misères de la vie conjugale.

On l’aura compris, Trop loin pour toi présente tous les traits d’une synthèse : une œuvre « deuxième génération » qui repasse sur les pas de toute une série de films qu’on a aimés ces dernières années. Venue du documentaire, Nanette Burstein a tout pigé de la grandeur de ce cinéma, qu’elle s’approprie avec énormément d’aisance pour en livrer sa propre proposition. Peut-être un truc s’est-il perdu en route : la surprise de voir quelque chose se produire là où on ne l’attendait pas, dans des œuvres telles que 50 first dates ou 40 ans, toujours puceau, à la beauté plus rugueuse, la séduction moins immédiate. Sans doute ce type de découverte ébahie n’est-il plus possible, mais il n’y a pas forcément à le regretter. Après les premiers coups de bélier, les nouveaux venus se faufilent avec agilité et apportent avec eux un autre type de beauté, plus calme et tranquille. Plus grand-chose à prouver, ni à explorer, alors il ne reste qu’à se balader, au côté de seconds rôles épatants (tiens, l’agent Harris des Soprano !), au milieu de scènes et de situations dessinées par d’autres. Burstein va jusqu’à reproduire deux séquences de Friends presque à l’identique : ni clin d’oeil inutile, ni aveu d’un manque d’inspiration, le procédé vient simplement affirmer cette croyance en un cinéma compris comme art de la flânerie et de la reprise.

La romcom de l’année est aussi l’une des rares à accorder à la femme l’attention qu’elle mérite. C’est effectivement un reproche récurrent adressé aux Apatow movies que de ne pas savoir, ou vouloir, s’aventurer au-delà des groupes masculins. De temps à autre Leslie Mann ou Aubrey Plaza venaient secouer tout ça, et titiller la domination de leurs partenaires hommes, mais dans l’ensemble, il faut bien reconnaître que ce cinéma n’a pas su renouer avec les beaux personnages féminins de Freaks and geeks, et c’est à juste titre qu’on a pu opposer à Apatow les chicks de Tarantino ou les femmes fortes de James L. Brooks. En seulement un film, le progrès est considérable : les filles font la tournée des bars en se cherchant un mec, et balancent des pussy jokes qui n’ont rien à envier aux blagues lourdes des garçons. Drew Barrymore y est évidemment pour beaucoup : joli personnage (qui devient un peu trop habituel, peut-être) de trentenaire légèrement perdue, gueules de bois et premières rides, mais fantaisie à toute épreuve. On a beau chercher, on n’a pas vu grand-chose de cet ordre ces derniers temps : Trop loin pour toi nous rapproche aujourd’hui d’une parfaite égalité.