Au début de Drift, on entend des pas dans un escalier. On veut croire que c’est Marc Houle qui monte les marches pour monter en ambition. Car ses précédents essais, Bay of figs et Restore, sans connaître le défaut habituel de l’album de techno qui ressemble à une compilation, ne rendaient pas vraiment justice à son talent. Drift ne ressemble pas non plus aux classiques de Plastikman. Mais il a d’autres qualités : une sensibilité tout à fait personnelle et un côté « droit au but » qui le rendent extrêmement attachant. Pour la première fois, la précision qui caractérise la musique de Marc Houle s’étend à la conception de l’album lui-même.

Tout son talent réside dans la manière dont sa production ligne claire, d’une simplicité désarmante, est mise au service de mélodies qui seraient pop dans n’importe quel autre contexte. Ce savoir-faire, il le connaît et il en joue : comme rien n’est jamais de trop dans ses beaux montages, il peut se permettre de tourner autour, et en faire de la techno, c’est-à-dire construire une dramaturgie basée sur un rythme qui baisse d’un ton et puis revient sans fracas, un pitch qui module à peine la tonalité d’origine du clavier, la disparition d’un synthé qui révèle, gracieuse, toute nue, la basse qui le soutenait.

Sweet et The Next sont respectivement l’ébauche et la réduction dub d’une chanson fantomatique, anonyme et essentielle, qui finit par s’exaucer à peu près, mise en branle par un beat mécanique, dans Hammering, qui sonne comme la musique d’un studio autonome qui aurait continué d’enchaîner les séquences, infiniment, après le départ d’un groupe de musiciens new-wave.

En alternance, le paranoïaque Seing the dark, qui ressemble au break d’un morceau techno minimal traditionnel – mais voilà, il dure cinq bonnes minutes, et le décollage ne viendra jamais ; la ritournelle aux accents EBM Hitcher man ; et puis, au milieu de tout ça, en pivot, Drift, qui correspond bien à ce que les dancefloors savent de Marc Houle, et se situe dans le même temps assez près du style de Danton Eeprom : une techno climatique, lancinante, aux basses dédaigneuses.

Avec cet album, Marc Houle réussit la petite prouesse d’intégrer sa techno froide et subtile à des instrumentaux où vibre la petite flamme sous verre du romantisme synth-pop. Au fil de ces huit morceaux de toute élégance et de toute modestie, on oublierait presque de relier Marc Houle à son label Minus pour le fantasmer en continuateur anachronique d’une certaine minimal wave à danser l’épaule lâche, et peut-être bien la tête baissée.